Les histoires d’athlètes qui ont courageusement continué à “jouer ou courir malgré la douleur” sont relativement communes, et soutiennent la croyance répandue selon laquelle ils éprouvent différemment la douleur que les non sportifs. Pourtant, les données scientifiques sur la perception de la douleur chez les athlètes ont été inconsistantes et parfois même contradictoires.
Des chercheurs de l’Université d’Heidelberg ont réalisé une méta-analyse, publiée dans Pain [1], sur la recherche disponible et ont trouvé qu’en fait, les sportifs peuvent vraiment tolérer un niveau de douleur plus élevé que les gens normalement actifs. Cependant, le seuil de la douleur, l’intensité minimum à laquelle un stimulus est perçu comme douloureux, ne diffèrent pas chez les athlètes et les autres personnes.
“Notre analyse révèle que la perception de la douleur diffère chez les sportifs quand on les compare à des individus normalement actifs” explique l’auteur de l’étude, le Dr Jonas Tesarz. “Les études sur les athlètes offrent l’opportunité d’une évaluation des effets physiques et psychologiques d’une activité régulière sur la perception de la douleur, qui pourrait encourager le développement d’une classe efficace d’exercices visant à soulager la douleur des patients.”
Les chercheurs ont passé en revue quinze études qui ont expérimentalement évalué le seuil de douleur provoquée, ou la tolérance à la douleur, chez des sportifs comparés à des personnes normalement actives. 568 sportifs et 331 personnes formaient la cohorte de l’étude. Huit des études ont été réalisées aux États-Unis, deux au Canada, une en Australie et quatre en Europe. Les études comprenaient des hommes comme des femmes, elles ont évalué les sports d’endurance, les sports d’équipe et les sports de force. Douze études ont rapporté des éléments sur la tolérance à la douleur, et neuf études ont examiné le seuil de la douleur.
Les sportifs avaient des niveaux de tolérance à la douleur uniformément plus élevé en comparaison des adultes normalement actifs. La magnitude de douleur que les athlètes pouvaient supporter dépendait du type de sport qu’ils faisaient. Par exemple, les sportifs d’endurance avaient une tolérance moyenne à la douleur et leurs scores étaient assez uniformes.
Les athlètes impliqués dans des sports d’équipe avaient des seuils de tolérance à la douleur plus élevés que les autres athlètes, mais les résultats variaient largement, suggérant que les athlètes d’endurance se ressemblent plus dans leurs profils physiques et psychologiques, tandis que les sportifs qui font des sports d’équipe sont plus différents.
Les résultats montrent donc que l’exercice régulier est clairement associé à une plus grande tolérance de la douleur, mais les seuils de douleur sont affectés de façon plus ambiguë, et ont probablement des implications cliniques” dit le Dr Tesarz. “Les nombreuses études sur les effets de l’exercice physique sur la douleur des patients démontrent un impact conséquent sur la qualité de la vie sans amélioration des scores de la douleur.
Il pourrait être recommandé, dans le cadre d’un traitement de la douleur par le sport, de se focaliser sur le développement des aptitudes d’imitation de la douleur qui affecteraient la tolérance chez les patients, plutôt que sur le soulagement direct de la douleur” dit-il.
“Il faudra plus de recherches pour éclaircir la relation exacte entre l’activité physique et les modifications de la perception de la douleur, et pour identifier les facteurs psychologiques impliqués et les processus neurobiologiques. Cependant, l’observation que la perception de la douleur est modifiable par l’activité physique est prometteuse dans le cadre de l’utilisation de méthodes non invasives, avec peu d’effets secondaires, pour les patients souffrant de douleur chronique” conclut le Dr Tesarz.
Références :
[1] Pain perception in athletes compared to normally active controls : A systematic review with meta-analysis. PAIN, Volume 153, Issue 6, June 2012, pp 1253-1262. Jonas Tesarz, Alexander Schuster, Mechthild Hartmann, Andreas Gerhardt, Wolfgang Eich.