Ces dernières années, beaucoup de battage médiatique a été fait autour de l’idée que les athlètes pouvaient améliorer leur performance en suivant un régime alimentaire riche en graisse et faible en glucides.

Les adeptes de ce type de régime déclarent que cela leur permet de courir, nager ou pédaler des kilomètres sans ressentir le besoin de se recharger en glucides. D’autres disent qu’ils utilisent un régime hypoglucidique pour perdre entre 9 et 14 kilos sur cinq jours avant la pesée afin de se qualifier dans une catégorie de poids inférieure, ce qui peut provoquer une déshydratation sévère et ne doit jamais être fait sans supervision médicale.

Mais est-ce que les régimes hypoglucidiques sont sans danger, et est-ce qu’ils améliorent réellement la performance athlétique ?

Bien que sans danger, le fait de réduire les glucides ne va pas aider les athlètes à atteindre des sommets, notamment dans des activités à intensité élevée comme le marathon. Si vous essayez de courir le plus rapidement possible, les glucides seront le principal carburant mais pas la graisse.

Cependant, un régime alimentaire faible en glucides peut marcher pour ceux qui font des activités dont l’intensité est plus faible, comme les ultra-marathoniens qui courent lentement sur des centaines de kilomètres. Ensuite, le fait de préférer avaler du bœuf séché ou une barre pendant un ultra-marathon est une question de gout qui ne va pas modifier la performance chez celui qui est au régime plus fourni en graisses.

Les bénéfices du régime adapté en graisses

L’idée sous-jacente au régime plus riche en graisses et faible en glucides est simple : il faut que le corps brûle les graisses, et non les glucides, pour servir de carburant pendant un entrainement.

Un régime pour brûler les graisses comprend 65 % de ses calories provenant des lipides, moins de 25 % qui viennent des glucides et le reste des protéines [1]. Certains de ces régimes limitent encore plus les apports en glucides, à 20 grammes seulement (ou environ 80 calories) par jour (pour un régime de 2000 calories, cela équivaudrait à 4 % seulement du total des calories provenant des glucides). À ce niveau, le corps bascule dans un état métabolique qu’on appelle “la cétose”, dans lequel il se sert des graisses comme carburant en les brûlant.

Comme le corps détient un stock pratiquement illimité de graisses, certaines personnes déclarent que les régimes limités en glucides peuvent aider les coureurs à éviter le phénomène où “ils se heurtent au mur”, dans lequel ils peuvent éprouver une sensation soudaine et intense de fatigue pendant leur course. Cela arrive parce que bien que les glucides (le glycogène) stockés dans le foie et les muscles peuvent alimenter une activité épuisante de forte intensité, les sources de glucides sont très limitées, et cette quantité ne suffit pas pour courir un marathon.

À cause de cela, les coureurs de marathon ont besoin de reconstituer leurs stocks de glycogène, souvent en milieu de course. Pour ce faire, ils boivent donc des boissons sportives, avalent des barres ou des gels spéciaux pendant qu’ils courent pour maintenir leurs stocks de glycogène. Malheureusement, le carburant sur lequel de nombreux athlètes comptent est ce glucide transformé et rapide qu’est le sucre.

Pour les athlètes de haut niveau, ces calories sucrées rapides sont aussi rapidement brûlées, mais les gens qui font plus d’exercice que la moyenne pourraient devenir dépendants d’une “infusion” constante de glucides pour alimenter leur performance. Ce qui aurait pour résultat que n’importe quel sportif pourrait consommer plus de calories qu’il n’en brûle, seulement pour se sentir suffisamment rechargé, ce qui va à l’encontre de l’objectif recherché dans toute activité physique. D’autres se plaignent de douleurs gastro-intestinales quand ils avalent tous ces glucides pendant un marathon.

La transformation des glucides exige aussi de l’insuline, l’hormone qui permet au sucre présent dans le sang de passer dans les cellules pour servir de carburant. Mais l’insuline favorise également le stockage des graisses. L’autre raison pour laquelle les sportifs passent au régime hypoglucidique est pour réduire la quantité d’eau dans leur corps, car chaque molécule de glycogène stockée est attachée à trois molécules d’eau.

Certains sportifs qui pratiquent les arts martiaux ou l’haltérophilie, par exemple, adoptent un régime faible en glucides avant la pesée pour épuiser leurs stocks de glycogène et ainsi faire chuter le poids en eau dans leur corps afin de se qualifier dans une catégorie de poids inférieure. Puis, après la pesée mais avant le match, ils reprennent une alimentation riche en glucides.

Est-ce que les régimes riches en graisse marchent ?

Malgré tout ce battage, il y a peu de preuves qui montent que les régimes riches en graisse améliorent vraiment la performance athlétique.

Quand le corps n’a pas assez de glucides, il augmente son utilisation et la décomposition de la graisse, comme l’a montré une étude de 2015 [2]. Dans cette étude, des ultra-marathoniens qui suivaient un régime alimentaire très réduit en glucides pouvaient brûler des graisses à un taux deux fois plus élevé que ceux qui mangeaient beaucoup de glucides.

Les régimes hypoglucidiques et riches en graisse ont presque toujours fait baisser la performance, d’après plus d’une douzaine d’études réalisées de 1960 à 2000. Comme le métabolisme de la graisse nécessite plus de réactions chimiques dans les cellules que pour métaboliser les glucides, il faut plus de temps pour produire la même quantité d’énergie, ce qui signifie que ceux qui brûlent la graisse peuvent faire de l’exercice à une intensité plus faible comparés à ceux qui brûlent les glucides.

Dans certains des travaux les plus aboutis sur ce sujet, des chercheurs ont réalisé une étude sur les régimes faibles et riches en glucides sur des marcheurs de haut niveau. Ces travaux ont conclu que les régimes faibles en glucides diminuaient la performance. Et le fait de passer d’un régime hypoglucidique à un régime hyperglucidique (et vice-versa), comme le font les athlètes en arts martiaux, n’améliore probablement pas non plus la performance.

Cela vient de ce que le fait de passer à un régime faible en glucides modifie la quantité d’enzymes utilisée par le corps pour brûler les glucides, et cela peut prendre plusieurs jours avant d’inverser la tendance. Un jour de combat, par exemple, ceux qui suivaient une alimentation réduite en glucides pourraient ne pas être en mesure d’utiliser leurs stocks de glycogène lorsqu’il leur faudra déployer plus d’intensité.

Les régimes riches en graisse pourraient bien fonctionner pour certains ultra-marathoniens ou certains athlètes d’endurance extrême qui ont besoin de s’entrainer à des intensités relativement faibles pendant de longues périodes de temps. Cependant, les études montrent aussi que les individus qui suivent des régimes riches en glucides peuvent obtenir d’excellents résultats dans les épreuves d’endurance similaires.

Au-delà de ça, les régimes hypoglucidiques sont souvent difficiles à respecter. Le fait de ne pas consommer de glucides signifie pas de fruits, pas de légumes ni de céréales. La plupart des sportifs n’aiment pas ça, et n’arrivent pas à s’y tenir car ils ne se sentent pas bien.

Références :

[1] Sports Med. 2015 ; 45 : 33–49. Re-Examining High-Fat Diets for Sports Performance : Did We Call the ‘Nail in the Coffin’ Too Soon ?

[2] Metabolic characteristics of keto-adapted ultra-endurance runners. Metabolism Clinical and Experimental. Vol. 65, Iss. 3, pp 100–110.

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