Il n’y a pas qu’un seul indicateur pour prédire avec fiabilité quand on est sur le point de flancher.

Est-ce que les athlètes qui se poussent eux-mêmes trop dur deviennent “surentrainés”, ou sont-ils vraiment, vraiment fatigués ? Il s’agit d’un débat de longue date chez les entraîneurs et les physiologistes, qui sont à la recherche d’une façon quantifiable de diagnostiquer les signes d’alerte de cette espèce de peur prolongée qui hante parfois les athlètes d’endurance pendant des mois. Un groupe de chercheurs français a réalisé une étude, dont les résultats ont été publiés dans le Journal of Applied Physiology [1].

Cette étude a recruté 24 triathlètes très entraînés, et les a divisés en deux groupes. Pendant trois semaines, les deux groupes ont exécuté leurs entrainements normaux. Puis, pendant une semaine, ils ont réduit leur entraînement de 50%. Puis de nouveau pendant trois autres semaines, un groupe est revenu à son entraînement normal, tandis que l’autre groupe a augmenté son entraînement d’environ 140% au-delà de son niveau normal pour induire une “exagération” (la fatigue excessive qui est généralement ressentie comme précédant un surentraînement, mais qui pourrait aussi stimuler de gros gains de forme physique).

Avant et après le second bloc des trois semaines, les athlètes ont complété un test de course à pieds maximal (des tours de piste avec la vitesse qui augmentait toutes les trois minutes jusqu’à épuisement), pendant qu’ils délivraient tout un ensemble de mesures prélevées sur eux, tests sanguins toutes les trois minutes, analyse de la force et analyse vidéo de leur biomécanique à chaque tour, consommation d’oxygène mesurée par un masque, tests cognitifs réalisés pendant la seconde partie du test, etc.

Voici ce que les chercheurs ont trouvé :

Une analyse discriminante a montré que les modifications des huit paramètres mesurés pendant le test d’accroissement maximal pouvaient expliquer 98,2% de l’état d’exagération (lactatémie, rythme cardiaque, paramètres biomécaniques et perception de l’effort). Les variations du rythme cardiaque et de la lactatémie étaient les deux facteurs les plus distinctifs.

Pour être plus précis, ce qu’ils ont découvert était que les niveaux de lactate et du rythme cardiaque étaient tous les deux beaucoup plus bas qu’attendus chez les athlètes surentraînés pour tout niveau d’effort donné, y compris le seuil de lactate. Leurs corps n’étaient tout simplement plus en mesure ni capables de pousser si dur. Cela est conforme à une théorie selon laquelle le surentraînement implique une suppression du système nerveux sympathique, bien que toutes les études ne confirment pas cette idée.

En tout cas la question est : est-ce que ce sera une manière utile pour les athlètes de percevoir les signes du surentraînement ? Le problème est que, pour que ce protocole particulier fonctionne, il faut réaliser des tests maximaux réguliers, puis rechercher tout écart inattendu, et le plus difficile sera de convaincre des sportifs de faire un si dur effort dans des intervalles suffisamment réguliers pour que ce soit utile.

Sans doute que des protocoles moins poussés auront plus de chances d’être adoptés, comme le Test de Cyclisme Sous-maximal de Lamberts et Lambert [2], qui implique un protocole d’échauffement de 15 minutes à des niveaux de rythme cardiaque fixes. Il faut le faire avant un entraînement difficile, et les résultats aideront à faire la distinction entre la fatigue aiguë (venant des jours précédents, auquel cas vous êtes libre de continuer votre entraînement) et la fatigue chronique (auquel cas il vaut mieux s’arrêter et laisser le corps récupérer). Le protocole est conçu pour le cyclisme, mais il pourrait être adapté à d’autres activités comme la course à pieds.

Références :

[1] A Multidisciplinary Approach to Overreaching Detection in Endurance Trained Athletes. Le Meur Y, Hausswirth C, Natta F, Couturier A, Bignet F, Vidal PP. J Appl Physiol. 2012.

[2] Eur J Appl Physiol. 2010 ; 108(1):183-90. doi : 10.1007/s00421-009-1291-3. 2009. Measuring submaximal performance parameters to monitor fatigue and predict cycling performance : a case study of a world-class cyclo-cross cyclist. Lamberts RP, Rietjens GJ, Tijdink HH, Noakes TD, Lambert MI.

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