La sagesse populaire est profondément ancrée : le fait d’écraser constamment des surfaces dures de vos chaussures de sport “tabasserait” vos jambes et provoquerait des blessures. Mais prouver cette affirmation s’est avéré extrêmement compliqué, car en fait, un nombre croissant d’études suggère que, malgré notre intuition, nous sommes capables d’ajuster automatiquement notre pas de course, et donc les surfaces dures et souples administrent pratiquement les mêmes chocs au corps. Au lieu de cela, les chercheurs suspectent que la différence cruciale entre les différentes surfaces de course pourrait plutôt se situer au niveau de leur souplesse ou de leur planéité.
L’idée surprenante selon laquelle votre corps opère des ajustements selon les différentes surfaces de course, remonte à des études datant des années 1990. Des scientifiques avaient découvert que quand ils modifiaient la fermeté d’une surface de course à pieds, les coureurs ajustaient la rigidité réelle de leurs jambes dans la direction opposée, en fléchissant leurs genoux légèrement en contractant plus ou moins leurs muscles, ainsi leur mouvement complet de haut en bas restait parfaitement constant [1].
Pour confirmer cette notion, une étude [2] de 2002 de Mark Tillman de l’Université de Floride, a utilisé des chaussures équipées d’encart détecteur de forces, et n’a trouvé aucune différence dans les forces appliquées dans les chaussures par des coureurs sur l’asphalte, sur du béton, de l’herbe et sur un terrain synthétique.
Ce résultat a été remis en question en 2010 dans une étude Brésilienne [3] qui avait trouvé 12% de pression de plus sur chaque pas quand on courrait sur de l’asphalte comparé à de l’herbe. Cela dit, même cette différence est incroyablement faible étant donné la grande différence de dureté entre les deux surfaces.
Les forces et les tensions ne représentent cependant qu’une partie de l’histoire, prévient Tillman. Par exemple, les légères différences dans l’angle du genou, quand les jambes s’ajustent aux différentes surfaces, pourraient théoriquement se traduire en une plus grande probabilité de blessure sur une surface comparée à une autre. Mais la simple photographie (de la surface dure qui conduirait vers plus de martèlement et donc plus de blessures) n’est pas confirmée par des preuves existantes.
Il se pourrait que notre objectif se concentre plutôt sur la souplesse d’une surface au lieu de sa dureté, selon des chercheurs en biomécanique de l’Université de Stanford. Les surfaces plates et pavées auront pour résultat que chaque enjambée sera pratiquement identique, ainsi les muscles, les articulations et les os seront stressés répétitivement de la même façon pendant toute la course.
Cela prépare l’étape pour des blessures à cause d’une sur-utilisation comme les fêlures du tibia, qui surviennent typiquement quand on essaye d’augmenter trop rapidement son entrainement (les mêmes facteurs pourront arriver sur des tapis de course, bien que les chercheurs ne l’aient pas encore étudié).
Sur des surfaces non pavées au contraire, aucun pas ne se ressemblera, ce qui apporte de légères variations dans les impacts transmis à votre corps. Trop d’irrégularités du terrain, cependant, pourront être source de plus de risques tels que des chevilles tordues. “La solution est de trouver un bon équilibre entre juste assez de stress et trop de stress sur le système” expliquent les chercheurs.
Jusqu’ici, les études sur le terrain comme celle de 2003 [4] qui a suivi 844 coureurs qui se préparaient pour la course des 10 km de Vancouver, n’ont pas réussi à trouver d’association entre la surface de course et le taux de blessures. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas de relation, seulement que si elle existe elle est beaucoup plus complexe que ce qu’on suspectait.
Une chose que nous savons est le “principe de spécificité” : si vous faites tous vos entrainements sur une même surface, votre corps pourrait ne pas être correctement préparé à courir sur d’autres surfaces. Ainsi, ne vous préparez pas pour un marathon en ne courant que sur de l’herbe, et ne vous préparez pas pour un trail en ne courant que sur des routes.
Références :
[1] D. Ferris et al. Running in the Real World : Adjusting leg stiffness for different surfaces. Proceedings of the Royal Society of London B, 1998, 265, 989-994.
[2] Mark Tillman et al. In-shoe plantar measurements during running on different surfaces : Changes in temporal and kinetic parameters, Sport Engineering, 2002, 5, 121-128.
[3] Vitor Tessutti et al. In-Shoe plantar pressure distribution during running on natural grass and asphalt in recreational runners, Journal of Science and Medicine in Sports, 2010, 13(1), 151-155.
[4] Jack Taunton et al. A prospective study of running injuries : The Vancouver Sun Run “In training’ clinics, British Journal of Sports Medicine, 2003, 37, 239-244.