Après avoir analysé 10 ans d’essais médicaux sur plus de 2700 personnes dans le cadre d’une étude sur les maladies de coeur, des chercheurs de Johns Hopkins Medicine et d’ailleurs sont arrivés à la conclusion que le fait de prendre du calcium sous la forme de suppléments pourrait augmenter le risque d’apparition de plaque dans les artères et donc endommager le cœur, alors qu’une alimentation contenant des aliments riches en calcium semble avoir un effet protecteur !
Dans un compte-rendu publié dans le journal de l’American Heart Association [1], les chercheurs mettent cependant en garde que leurs travaux ne documentent qu’une association entre la prise de compléments alimentaires de calcium et l’athérosclérose, et ne démontrent pas de lien de cause à effet.
Mais ils ajoutent que ces résultats viennent s’ajouter à des inquiétudes scientifiques croissantes sur les dangers potentiels des suppléments, et ils recommandent urgemment de consulter un médecin avant de prendre des suppléments de calcium. Les chercheurs estiment que 43 % des Américains hommes et femmes prennent un supplément contenant du calcium en croyant que cela va les aider à lutter contre l’ostéoporose.
“Quand il s’agit de prendre des suppléments de vitamines et minéraux, et notamment des suppléments de calcium en croyant améliorer la santé de ses os, de nombreuses personnes pensent que plus est mieux,” explique le Dr Erin Michos. “Mais notre étude montre, en plus des autres déjà publiées sur le sujet, que le calcium pris en excès sous la forme de suppléments peut endommager le cœur et le système vasculaire.”
Les chercheurs cherchaient à connaitre les effets du calcium sur le cœur et sur le système vasculaire parce que d’autres études avaient montré que le fait de consommer des suppléments de calcium, notamment chez les personnes âgés, n’arrivait pas jusqu’au squelette ou n’étaient pas complètement rejetés dans les urines, ainsi devaient-ils s’accumuler dans les tissus mous de l’organisme,” dit le Professeur John Anderson co-auteur de l’étude. Les scientifiques savaient en outre que quand une personne vieillit, la plaque de calcium apparait dans les principaux vaisseaux sanguins du corps, l’aorte et les autres artères, en gênant le flux sanguin et en augmentant le risque de crise cardiaque.
Les chercheurs ont analysé les informations détaillées de l’étude Multi-Ethnic Study of Atherosclerosis qui avait inclus plus de 6000 personnes. Ils se sont concentrés sur 2742 de ces participants qui avaient complété un questionnaire alimentaire et passé deux scanners à dix ans d’intervalles.
Les participants de cette étude avaient de 45 à 84 ans, et 51 % étaient des femmes. En 2000, tous les participants ont répondu à un questionnaire sur leurs habitudes alimentaires pour déterminer quelle quantité de calcium ils prenaient via leur alimentation en produits laitiers, légumes verts, aliments enrichis en calcium comme des céréales et autres aliments riches en calcium.
À côté de ça, les chercheurs ont inventorié quels médicaments et quels suppléments chaque participant prenait quotidiennement. Les chercheurs ont utilisé des scanners cardiaques pour mesurer les niveaux de calcium des artères coronaires de chaque individu, une mesure de calcification dans les artères du cœur et un marqueur du risque de maladie de cœur quand le score est au-dessus de zéro. Au départ, 1175 participants affichaient la présence de plaque dans leurs artères. Les tests ont été répétés 10 ans plus tard pour évaluer l’évolution d’une maladie coronarienne.
Pour leur analyse, les chercheurs ont réparti les participants en cinq groupes selon leur niveau de consommation totale de calcium, comprenant les suppléments de calcium et le calcium alimentaire. Après avoir ajusté les données pour l’âge, le sexe, l’exercice physique, le niveau de vie, le tabagisme, le poids, la consommation d’alcool, la tension artérielle et le passé familial, les chercheurs ont séparé les 20 % de participants qui avaient la plus forte consommation de calcium, à plus de 1 400 milligrammes par jour. Ce groupe était 27 % moins susceptible que les 20 % de participants prenant le moins de calcium – moins de 400 milligrammes par jour – de développer des maladies de cœur.
Puis, les chercheurs se sont focalisés sur les différences parmi ceux qui ne prenaient que du calcium alimentaire et ceux qui prenaient des suppléments de calcium. 46 % de leurs participants prenaient des suppléments de calcium. Les chercheurs ont aussi pris en compte les mêmes facteurs démographiques et de mode de vie qui pouvaient influencer le risque de maladie de cœur, et ils ont trouvé que ceux qui consommaient des suppléments affichaient une augmentation de 22 % de leur niveau de calcium dans les artères ce qui indique le développement de maladie cardiovasculaire.
“Il y a clairement quelque chose de différent dans la façon dont l’organisme réagit aux suppléments de calcium contre une consommation de calcium via l’alimentation qui rend le premier plus risqué,” dit Anderson. “Il se peut que les suppléments contiennent des sels de calcium, ou cela peut venir d’une prise d’une grande dose de calcium en une seule fois que le corps serait incapable de transformer.” Parmi les participants avec les niveaux de consommation de calcium les plus élevés – plus de 1 022 milligrammes par jour – il n’y avait pas d’augmentation du risque relatif de développer une maladie de cœur sur les 10 ans de l’étude.
“À partir de ces éléments de preuve, nous pouvons dire aux patients qu’il ne semble pas y avoir de danger à avoir une alimentation saine comprenant des aliments riches en calcium, et cela peut même être bénéfique pour le cœur. Mais il faut que ceux qui prennent des compléments alimentaires de calcium en parlent à leur médecin pour évaluer le dosage correct, ou pour voir s’ils en ont vraiment besoin.”
Références :
[1] John J.B. Anderson, Bridget Kruszka, Joseph A.C. Delaney, Ka He, Gregory L. Burke, Alvaro Alonso, Diane E. Bild, Matthew Budoff, Erin D. Michos. Calcium Intake From Diet and Supplements and the Risk of Coronary Artery Calcification and its Progression Among Older Adults : 10‐Year Follow‐up of the Multi‐Ethnic Study of Atherosclerosis (MESA). Journal of the American Heart Association, 2016 ; 5 (10) : e003815.