Il y a environ dix ans, peu de personnes ne se seraient posé cette question. Mais plusieurs études rigoureusement dirigées ont remis en cause ces hypothèses qui ont eu leur heure de gloire pendant des décennies, ce qui a conduit à des changements importants dans la manière dont les scientifiques perçoivent le lien entre la souplesse, les blessures et la performance athlétique.

Il s’avère en particulier que les étirements “statiques” traditionnels avant de faire du sport non seulement ne vous aident pas du tout, mais peuvent même en fait réduire votre force, votre vitesse et votre endurance. Au lieu de cela, les recherches suggèrent que la meilleure façon de s’échauffer implique des étirements “dynamiques”.

Les étirements me permettent-ils d’éviter les blessures ?

S’il y a un sujet qui illustre parfaitement cette séparation entre les scientifiques du sport et les athlètes de tous niveaux, c’est bien celui des étirements. Depuis les débutants jusqu’aux professionnels, presque tout le monde en fait, malgré la publication d’études après études qui suggèrent que les étirements n’empêcheront pas les blessures, ni les courbatures et dans certaines circonstances que cela vous ralentira et vous affaiblira. Les joueurs de hockey par exemple, sont pathologiquement obsédés par l’étirement de leurs jambes et de leurs aines. Le rituel d’avant jeu est si enraciné que les joueurs ne tiennent aucun compte de ce que les preuves affirment.

Pour être honnête, les éléments de preuve sont encore contradictoires et des questions restent sans réponses, même après plusieurs années d’études. Ceci vient en partie du fait qu’il existe tant de façons différentes de s’étirer, et parce que les gens s’attendent à tant de bénéfices différents. Pour être clair, il nous faut d’abord examiner la question générale de savoir si un programme d’étirements peut aider à éviter les blessures. Puis, il faut voir si des étirements avant le sport aident à produire de meilleures performances, et si des étirements après l’exercice permettent de mieux récupérer et d’éviter les courbatures.

Il semble intuitivement évident que nous sommes plus susceptibles de tirer sur un muscle s’il est tendu. C’est la raison pour laquelle nous nous étirons. La forme la plus simple et la plus fréquente d’étirements est l’étirement “statique”, qui implique de tenir une position à l’extrême limite de nos possibilités de mouvement pendant environ 30 secondes. Il n’y a pas de doute que cette forme d’étirements augmente les possibilités de mouvements, à la fois à court terme (pendant l’entrainement qui suit) et à long terme (en produisant des modifications durables).

Le maillon faible de cette chaine logique est l’hypothèse selon laquelle le fait d’être plus souple protégera des blessures. La plupart des blessures musculaires surviennent dans des amplitudes de mouvements normales pendant des contractions “excentriques” (pendant que le muscle est raccourcit, comme par exemple quand vous retenez une barre en faisant des flexions de biceps). En d’autres termes, vous êtes plus susceptibles de tirer sur vos tendons pendant que vous accélérez ou changez de direction, qu’en essayant de faire un grand écart (à moins d’être danseuse de ballet ou gardien de but de hockey, auquel cas les étirements statiques sont importants). Si les blessures surviennent généralement pendant une amplitude de mouvement normale, alors pourquoi le fait d’augmenter les amplitudes de ces mouvements empêcherait les blessures ?

Des centaines d’études ont essayé de répondre à cette question, et le Centers for Disease Control & Prevention Américain en a analysé 361 en 2004 à la recherche d’une réponse définitive [1]. Conclusion : les étirements ne sont pas associés à une réduction des blessures ! En outre, le recours aux étirements, en tant qu’outil de prévention contre les blessures sportives, reposait essentiellement sur l’intuition et l’observation non systématique plutôt que sur des preuves scientifiques [2].

Des revues postérieures de 2008 [3] sont arrivées à la même conclusion. Un exemple de cette “observation non-systématique” utilisée pour justifier les étirements est que plusieurs études influentes dans le passé avaient comparé un groupe qui s’était échauffé et étiré avec un autre qui ne faisait rien. Le problème avec cette méthodologie d’études est que l’échauffement, comme par exemple courir doucement avec quelques mouvements exécutés dans une gamme d’amplitude normale, réduit le risque de blessures que l’on s’étire ou non.

Il est important de noter que l’absence de preuves selon lesquelles les étirements empêchent de se blesser n’est pas la même chose que de prouver que cela ne fonctionne pas. Il se peut que les programmes d’étirements aient besoin d’être taillés sur mesure selon les besoins des individus ou de chaque activité, ainsi les études sur un programme générique d’étirements sont condamnées à produire des résultats ambigus. Imaginez qu’on vous prescrive des lunettes à partir du jugement provenant de 1000 personnes prises au hasard en utilisant leurs résultats pour évaluer si les lunettes permettent de mieux voir. Ainsi, si comme les joueurs de hockey vous êtes profondément attachés à votre routine d’étirements, il n’y a pas suffisamment de preuves pour vous contraindre à arrêter, mais il y a bien assez de raisons de considérer avec prudence quand et comment les pratiquer.

Les étirements avant l’exercice peuvent-ils me ralentir et m’affaiblir ?

Jusqu’à ce que le débat sur le fait de savoir si les étirements préviennent les blessures soit installé, de nombreuses personnes les conservaient comme faisant partie intégrante de leur routine sportive, ainsi est-il utile d’analyser si les étirements ont d’autres effets qui pourraient influencer le moment de s’étirer.

L’un des changements majeurs, qui est déjà apparu, est la prise de conscience qu’il ne faut pas étirer un muscle froid. Des expériences sur les muscles des cuisses de rats à l’Université du Michigan ont montré que même un léger étirement est suffisant pour endommager des fibres musculaires non préparées [4]. Étant donné que les étirements sont souvent intégrés comme faisant partie d’un programme d’échauffement avant l’exercice, les experts recommandent désormais de commencer en premier par un jogging doux (ou du vélo ou de la natation) pour échauffer les muscles et les rendre plus accommodants. Il faut également éviter de trop étirer un point de douleur.

Même si vous suivez ce conseil, une série d’études ces dernières années suggère que vous souffrirez toujours des effets secondaires temporaires qui vous rendront plus faible, plus lent et moins efficace. Ce phénomène n’est pas pleinement compris, mais certaines expériences ont trouvé qu’il peut durer jusqu’à deux heures après les étirements, pas exactement la préparation idéale pour un entrainement ou une compétition où l’on cherche à être à son maximum.

Une étude de 2010, par exemple, de chercheurs de l’Université de Milan, a été publiée dans le Journal of Strength & Conditionning Research [5], sur un groupe de 17 volontaires qui ont réalisé des séries de sauts verticaux depuis différentes positions accroupies, avec ou sans étirements de leurs muscles des jambes au préalable. La hauteur des sauts, le maximum de force qu’ils ont exercé avec leurs jambes et la vélocité maximale qu’ils ont atteinte étaient tous significativement plus faibles après les étirements, en phase avec les résultats d’une demi-douzaine d’autres études précédentes identiques.

Références :

[1] Stephen Thacker et al. The impact of stretching on sports injury risk : A systematic review of the literature. Medicine & Science in Sports & Exercise, 2004, 36(3), 371-378.

[2] Ian Shrier, Stretching before exercise : an evidence based approach. British Journal of Sports Medicine, 2000, 34, 324-325.

[3] Katie Small et al. A systematic review into the efficac static stretching as part of a warm-up for the prevention of exercise-related injury. Research in Sports Medicine, 2008, 16(3), 213-231.231.

[4] P.C. Macpherson et al. Contraction induced injury to single fiber segments from fast and slow muscles of rats by single stretches. American Journal of Physiology, 271, C1438-1446.

[5] Antonio La Torre et al. Acute effects of static stretching of squat jump performance at different knee starting angles. Journal of Strength and Conditioning Research, 2010, 24(3), 687-694.

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