Le terme de “vibrations” est très souvent utilisé à tort et à travers, notamment dans le jargon pseudoscientifique, pour faire vaguement référence à l’énergie ou à une espèce de propriété physique ou spirituelle qui ne pourrait pas être directement détectée. Ce mot est utilisé par-dessus la jambe notamment pour “expliquer” des affirmations extraordinaires.

Les vibrations sont pourtant quelque-chose de réel, qui fait référence à des oscillations physiques. La thérapie par vibrations corporelles (whole body vibration) ou vibrotonie corporelle, fait référence à ces vibrations physiques. Elle est proposée comme traitement pour l’équilibre, les maux de dos, les troubles neurologiques ou tout simplement pour être en forme. Mais est-ce que cela marche vraiment, notamment dans le cadre des indications proposées par ses partisans ou les salles de fitness qui la proposent ?

La thérapie par vibrations corporelles

La thérapie par vibrations corporelles est un type “d’exercice” passif dans lequel une action est exercée sur l’individu, sachant que ce n’est pas l’individu qui réalise activement une activité comme par exemple de la marche, de la musculation ou de la natation. Les utilisateurs se tiennent debout, couchés ou assis sur une plateforme qui vibre rapidement dans une ou plusieurs directions. L’idée est que les vibrations rapides forceraient les muscles du corps à se contracter en réaction aux vibrations, ce qui fournirait une espèce d’exercice.

Il existe deux catégories de base de vibrations corporelles, la kinésithérapie utilise des vibrations pour stimuler les tissus bien que cela n’induise pas d’exercice. L’entrainement par vibrations corporelles utilise cependant les vibrations en association avec des positions qui induisent un exercice musculaire, ce qui pourrait être considéré comme une forme d’exercice physique. Différents types de vibrations peuvent être utilisés : les vibrations linéaires de haut en bas, de pivotement à la manière d’un mouvement de bascule, qui peuvent être soit de fréquence élevée ou basse.

Comme c’est souvent le cas, il existe une “science” des vibrations corporelles qui cherche à l’incorporer dans la pratique médicale, le sport ou la kinésithérapie. C’est dans ces domaines que certaines déclarations sont faites par les sociétés qui vendent les plateformes vibrantes ou des séances de thérapie par vibrations corporelles, qui vont bien au-delà de ce que les preuves scientifiques ont pu démontrer.

Par exemple, la Vibeplate affiche une longue liste d’indications pour les vibrations corporelles qui comprennent la détoxication, les maux de dos, une augmentation de l’énergie, une augmentation de la densité des os et une récupération neurologique. Ces déclarations comprennent aussi des explications assez drôles qui visent à expliquer pourquoi leur produit marcherait si bien :

“La gravité nous pousse depuis le haut, elle nous plaque sur la terre et nous avons une force de réaction du sol. Les vibrations corporelles, quand elles sont correctement conçues mécaniquement, comme avec la Vibeplate, nous apportent des chocs verticaux de même nature que ceux qui viennent d’en haut. Ainsi, si nous sommes pris entre les deux, où le corps se retrouve entre la gravité et la plateforme vibratoire, nous réalisons les bénéfices tirés de la charge de la gravité jusqu’à la capacité de cette gravité à stimuler nos os, nos muscles, nos nerfs. Et si nous pouvons augmenter cela très rapidement, de façon rythmique, c’est encore meilleur.”

Cette explication est pseudoscientifique, et elle fait douter de la fiabilité du reste des informations diffusées sur le site. La gravité ne “pousse pas les individus du haut vers le bas”. La gravité est une force d’attraction – elle “tire” vers le bas (du moins en physique classique). Elle tire aussi également chaque atome du corps humain (sans tenir compte des effets marémoteurs insignifiants pour le corps humain).

Il semble que la culture marketing des appareils et produits médicaux exige souvent cette espèce d’explication magique. Car le simple fait de dire que la thérapie par vibrations corporelles est une forme d’exercice ne leur suffit pas, il faut un truc de plus pour vendre.

Est-ce que ça marche ?

Quel que soit le mécanisme, la question principale est de savoir si la thérapie par vibrations corporelles est efficace. Cette question doit être posée pour chaque utilisation individuelle, pour les vibrations corporelles en soi ou associées à d’autres formes d’exercices et de thérapies, pour chaque indication en particulier et pour différents résultats. Prenons la question la plus basique pour commencer : est-ce que la thérapie par vibrations corporelles ajoute un bénéfice à un exercice régulier ? Une analyse [1] de 2007 a conclu :

“Douze articles ont été inclus dans cette analyse finale. Dans quatre des cinq études qui ont utilisé une méthodologie conforme avec un groupe de contrôle qui faisait les mêmes exercices que dans le groupe qui utilisait des plateformes vibratoires, aucune différence dans l’amélioration de la performance n’a été trouvée entre les groupes, ce qui montre que les vibrations corporelles apportent peu sinon aucun effet supplémentaire à de l’exercice physique.”

Une autre analyse [2] de 2007 par un autre groupe de chercheurs a conclu :

“De façon préliminaire, il y a des preuves solides à modérées qui montrent que l’exercice par vibrations corporelles à long terme peut avoir des effets positifs sur la performance musculaire des jambes chez les personnes non entrainées et chez les femmes âgées.”

En regardant les études scientifiques, y compris certaines plus récentes que ces analyses, les études sont principalement préliminaires et tendent à trouver que la thérapie par vibrations apporte certains bénéfices pour la force des jambes, notamment pour l’extension des muscles des cuisses, mais il n’y a globalement pas de différence avec l’exercice régulier. Cela est plutôt logique, car les muscles des cuisses (quadriceps) sont exactement ceux qui sont les plus sollicités par la station debout sur une plateforme vibratoire.

Concernant la densité des os, qui peut s’avérer être un véritable problème chez les adultes plus âgés, il a été démontré que l’exercice physique dont l’objectif est de porter du poids est bénéfique pour la densité osseuse. Peut-être que les vibrations corporelles sont une autre option. Une revue systématique [3] : de 2011 a trouvé que :

“Les vibrations corporelles sont bénéfiques pour augmenter la force des muscles des jambes chez les adultes plus âgés. Cependant, l’analyse suggère que les vibrations corporelles n’ont pas d’effet global sur la densité minérale des os chez les femmes âgées. Aucune étude randomisée n’a examiné les effets des vibrations corporelles sur la densité osseuse des hommes âgés.”

De nouveau, il semble y avoir un bénéfice pour la force des jambes, mais pas d’effet spécifique pour la densité osseuse chez les femmes.

Qu’en est-il des sujets plus vieux en tant que sous-groupe ? Une revue systématique [4] de 2012 déclare :

“L’entrainement par vibrations corporelles peut améliorer la force, la puissance et l’équilibre comparé au groupe de contrôle, bien que ces effets ne soient pas apparents quand ils sont comparés à ceux d’un groupe qui fait de l’exercice physique conventionnel.”

Il y a donc un élément récurrent dans les résultats de ces études : les vibrations corporelles marchent comme forme d’exercice pour améliorer la force des jambes, mais pas mieux que n’importe quelle autre forme conventionnelle d’exercice physique.

Les exercices de vibrations corporelles ont aussi été analysés chez des patients qui avaient des problèmes spécifiques. Chez les patients atteints de maladie pulmonaire par exemple, que ce soit une bronchopneumopathie chronique obstructive [5] ou après une transplantation pulmonaire [6], ils semblent être bénéfiques pour l’endurance de la marche. Ceci pourrait cependant n’être qu’un effet de l’amélioration de la force des jambes.

Les vibrations corporelles sont aussi vendues aux populations neurologiques, avec l’argument que cela peut positivement modifier le fonctionnement neurologique au-delà de la force des jambes. Dans le cadre de la sclérose en plaque, les éléments de preuve sont pourtant insignifiants, comme le conclut une étude de 2015 [7]

“L’évaluation de la qualité révèle que les protocoles des entrainements par vibrations corporelles étaient hétérogènes et que la qualité méthodologique des études était en général médiocre. Nous avons trouvé des indications limites pour améliorer l’endurance de la marche de 2-6 minutes en favorisant l’entrainement par vibrations corporelles, alors qu’aucun bénéfice n’apparaissait pour les distances courtes (20 m ou moins) dans la vitesse de la marche ou l’équilibre.”

Qu’en est-il de l’équilibre et de la marche plus globalement ? Une revue systématique de 2015 a trouvé [8] :

“Bien que l’équilibre et la mobilité apparaissent être sensibles aux exercices avec les vibrations corporelles, surtout chez les patients ayant du mal à se déplacer, par rapport aux vibrations corporelles seules, il faut faire attention lors de l’interprétation des résultats. Bien qu’il y ait des preuves d’un effet global des vibrations corporelles sur des mesures choisies de l’équilibre et de la mobilité, son impact reste peu concluant.”

Enfin, une revue systématique de 2012 [9] qui s’est penchée sur les traitements fonctionnels chez les patients atteints de troubles neurologiques a conclu :

“Il n’y a pas assez de preuves d’un effet d’un entrainement par vibrations corporelles sur la performance fonctionnelle des patients atteints de maladies neurodégénératives. Il n’y a pas non plus assez de preuves concernant ses effets bénéfiques sur les signes et les symptômes de la maladie, sur l’équilibre du corps, sur la démarche, la force musculaire et la qualité de la vie comparé à de la kinésithérapie active ou passive chez les patients atteints de la maladie de Parkinson ou de sclérose en plaques.”

Conclusion

La meilleure conclusion qui puisse être tirée de la littérature scientifique relative aux entrainements ou à la thérapie par vibrations corporelles est qu’ils exercent les cuisses. Cela peut améliorer la force, l’endurance et la marche. Mais ce type d’entrainement n’est pas supérieur à d’autres formes d’exercices, ni n’apporte beaucoup plus que de l’exercice régulier. Il ne semble pas non plus y avoir de bénéfices spécifiques aux vibrations corporelles pour la densité des os.

Bien que la pratique puisse faire l’objet de recherches, notamment avec des études de meilleure qualité que celles déjà existantes, on ne peut rien conclure de ses effets à ce jour. Au contraire, les preuves disponibles penchent plutôt contre tout bénéfice manifeste des vibrations corporelles et des plateformes vibratoires.

L’erreur à éviter ici est de ne pas séparer les effets spécifiques des plateformes vibratoires des effets non-spécifiques. Les entrainements par vibrations sont une forme d’exercice, et ils peuvent apporter les bénéfices de l’exercice, sans apporter pour autant de bénéfices supplémentaires ou nouveaux dus aux vibrations en soi. Pour certains cependant, c’est l’attrait de la nouveauté qui les a poussé sur une plateforme vibratoire avec l’idée que cela va apporter les bénéfices d’un exercice régulier. Sans doute les vendeurs de plateformes exploitent-ils ce phénomène.

Dans la même veine, il n’existe pas de preuve montrant que le yoga soit autre chose que de l’exercice physique, que la méditation n’est rien d’autre que de la relaxation ou encore que le Tai Chi soit autre chose que de l’exercice et un travail sur l’équilibre. Il sera bénéfique pour notre compréhension, et pour la recherche, de mieux comprendre ce que ces interventions sont réellement, sans être distrait par leur aspects superficiels ou à la mode.

Les entrainements sur les plateformes vibratoires peuvent être utiles comme forme d’exercice physique, mais ils ne semblent pas avoir de bénéfices spécifiques ou uniques au-delà de ça.

Références :

[1] Scand J Med Sci Sports. 2007 Feb ;17(1):12-7. Strength training effects of whole-body vibration ? Nordlund MM, Thorstensson A.

[2] Scand J Med Sci Sports. 2007 Feb ;17(1):2-11. Effects on leg muscular performance from whole-body vibration exercise : a systematic review. Rehn B, Lidström J, Skoglund J, Lindström B.

[3] Clin Rehabil. 2011 ;25(11):975-88. The effects of whole body vibration therapy on bone mineral density and leg muscle strength in older adults : a systematic review and meta-analysis. Lau RW, Liao LR, Yu F, Teo T, Chung RC, Pang MY.

[4] Disabil Rehabil. 2012 ;34(11):883-93. Efficacy of whole body vibration exercise in older people : a systematic review. Sitjà-Rabert M, Rigau D, Fort Vanmeerghaeghe A, Romero-Rodríguez D, Bonastre Subirana M, Bonfill X.

[5] Chron Respir Dis. 12(3):212-21. 2015. Whole body vibration training in patients with COPD : A systematic review. Gloeckl R, Heinzelmann I, Kenn K.

[6] J Heart Lung Transplant. 2015. pii : S1053-2498(15)01359-5. Effects of complementary whole-body vibration training in patients after lung transplantation : A randomized, controlled trial. Gloeckl R, Heinzelmann I , Seeberg S, Damisch T, Hitzl W, Kenn K.

[7] J Neurol Sci. 2015. pii : S0022-510X(15)02445-4. Effects of long-term whole-body vibration training on mobility in patients with multiple sclerosis : A meta-analysis of randomized controlled trials. Kantele S, Karinkanta S, Sievänen H.

[8] Maturitas. 80(4):342-58. 2015. The effect of whole body vibration exposure on balance and functional mobility in older adults : a systematic review and meta-analysis. Orr R.

[9] Cochrane Database Syst Rev. 2012 ; 2:CD009097. Whole-body vibration training for patients with neurodegenerative disease. Sitjà Rabert M, Rigau Comas D, Fort Vanmeerhaeghe A, Santoyo Medina C, Roqué i Figuls M, Romero-Rodríguez D, Bonfill Cosp X.

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