Le Tour de France est largement considéré comme l’épreuve sportive d’endurance la plus épuisante. Les niveaux de performance sont devenus si élevés que les efforts approchent les limites de la tolérance humaine, et il est clair que la nutrition est quelque-chose d’extrêmement important pour s’assurer que le fonctionnement physiologique du coureur ne soit pas entravé. Mais contrairement à la mauvaise réputation qui entourent les glucides dans certains régimes alimentaires et dans certains cercles sportifs d’endurance, les preuves montrent que cette source d’énergie n’est pas le diable.

En 1903 le vainqueur de l’étape inaugurale du Tour de France était un ramoneur français, Maurice Garin, qui avait tiré son alimentation durant la course dans les bars et sa boisson des fontaines [1]. Plus de 100 ans plus tard, la compétition est devenue une course entre équipes de cyclistes professionnels qui propose un large éventail de science sportive au coureur, qui, en retour, est devenu un athlète professionnel très entrainé dont la vie tourne, dans sa globalité, autour de cet événement.

L’exigence d’énergie et le débat du poison

Le soutien nutritionnel se focalise sur la satisfaction des demandes en énergie, sur la consommation de fluide mais aussi sur la disponibilité des glucides. En effet, le consensus général est de maximiser les stocks de glucides avant l’exercice [2] pour satisfaire les besoins en énergie pour la course et pour optimiser les stocks de glycogène des muscles entre chaque étape [3], afin de minimiser les effets délétères d’un épuisement des glucides. Cependant, récemment, les glucides et notamment le sucre (qui est un type de glucides) ont eu mauvaise presse dans les médias et dans une certaine mesure dans les milieux universitaires.

Cela a été incarné par la fameuse expression de Robert Lustig “le sucre est toxique” [4] qui a conduit à la question de savoir si non seulement une forte consommation de glucides est sans dangers, mais aussi s’ils sont le meilleur moyen d’améliorer la performance de l’endurance. Récemment, Timothy Noakes, un scientifique dans le domaine du sport et de l’exercice et marathonien prolifique, a ajouté sa voix à l’argument selon lequel une surconsommation de glucides raffinés pourrait être toxique pour le corps. En conséquence, l’intérêt s’est porté sur une alimentation plus riche en lipides et réduite en glucides pour la performance de l’endurance.

Il faut cependant être prudent et ne pas céder aux modes en recherche, et le message de la “vérité toxique des glucides” se situe à la frontière de cette ligne. Il serait probablement prématuré de modifier des recommandations officielles sur la foi de preuves limitées obtenues sur une relation entre une alimentation riche en graisse et faibles en glucides pour des événements d’ultra-endurance tels que le Tour de France. Le lien entre la consommation de glucides et la tolérance à l’exercice a été établi dès les années 1920 [5].

En outre, une recherche sur la consommation de nourriture et sur la dépense énergétique pendant le Tour de France a été réalisée par Saris et ses collègues en 1989. Ils ont observé une consommation moyenne d’énergie de presque 6000 calories et un pic à 7739 calories (ce qui est énorme). Cela correspond plutôt bien aux exigences en énergie (valeur moyenne de 6066 calories). Sur cette quantité, 62 % de la consommation d’énergie provenait des glucides, avec seulement 23 % des graisses. Ceci est en phase avec les recommandations modernes pour la performance de l’endurance où 65-70 % des apports énergétiques devraient l’être sous forme de glucides.

La priorité était établie et la conclusion était que les stratégies visant à délivrer de grandes quantités de glucides étaient une solution appropriées pour le Tour de France.

Les glucides sont importants pour l’endurance

D’autres analyses de recherche [6] confirment cela et il y a plusieurs mécanismes physiologiques qui nous font penser que les glucides sont très importants pour la performance de l’endurance. Tout d’abord les glucides servent principalement de carburant énergétique, et le glycogène devient le substrat le plus important quand l’intensité de l’exercice est importante. Ceci est associé au fait qu’il faut moins d’oxygène pour oxyder une unité de glucides par rapport à une unité de graisse. Deuxièmement il y a des voies communes par lesquelles les glucides et la graisse sont oxydés et le métabolisme de la graisse est quelque peu dépendant d’un niveau historique du catabolisme des glucides. On fait souvent référence à ceci en disant que les “graisses sont brûlées par la flamme des glucides.”

Le cerveau compte aussi sur le glucose sanguin presque exclusivement dans des conditions normales ce qui est important pour éviter cette fatigue dite centrale qui peut comprendre des faiblesses, de la faim et des vertiges. Vraisemblablement, la capacité de se concentrer est très importante pour les cyclistes du Tour de France – les spectaculaires chutes et les accidents dangereux sont là pour le rappeler.

La machine humaine

La suggestion de Noakes concernant les régimes alimentaires riches en graisse [7], et les résultats qui ont montré que les athlètes de haut niveau chroniquement adaptés à une telle alimentation étaient en mesure d’oxyder plus efficacement la graisse est intéressante, mais il y a peu de preuves qui montrent que les régimes alimentaires riches en graisse vont augmenter la performance. En outre, les effets à long terme de tels types d’alimentation ne sont pas bien connus. Le fait de diaboliser le sucre et les glucides n’est pas utile ni juste. Ceci a un rapport avec la performance et la santé des cyclistes du Tour de France et du public en général. Nous avons besoin de sucres (glucides) tout comme nous avons besoin de graisses et de protéines. Il y a, comme on peut s’y attendre, un niveau de souplesse dans le ratio sur la façon dont nous consommons ces nutriments – mais ce que les cyclistes du Tour de France démontrent surtout très bien, c’est cette nécessité de l’équilibre. La consommation d’énergie doit correspondre à la dépense d’énergie. Le sucre n’est pas toxique, seule la dose fait le poison.

Les demandes extraordinaires du Tour de France exigent un moteur de combustion interne spécial. Pour l’homo sapiens, ce “moteur” est constitué d’un carburant à base de carbone qui réagit avec l’oxygène extraite de l’air qui brûle, en produisant, entre autres choses, de l’énergie. Pour autant que nous le sachions, le fait de se focaliser sur une consommation de glucides avant, pendant et entre les étapes est la meilleure façon de faciliter cela. Ainsi, tant que les concurrents traverseront les Alpes, nous ne devrions pas nous attendre à voir une autre stratégie nutritionnelle.

Références :

[1] Scand J Med Sci Sports. 2003 ;13(5):275-83. The Tour de France : a physiological review. Lucia A, Earnest C, Arribas C.

[2] J Sports Sci. 2004 ;22(1):31-8. Pre-exercise carbohydrate and fat ingestion : effects on metabolism and performance. Hargreaves M, Hawley JA, Jeukendrup A.

[3] J Sports Sci. 2004 ;22(1):15-30. Carbohydrates and fat for training and recovery. Burke LM, Kiens B, Ivy JL.

[4] J Sports Sci. 2004 Jan ;22(1):31-8. Pre-exercise carbohydrate and fat ingestion : effects on metabolism and performance. Hargreaves M, Hawley JA, Jeukendrup A.

[5] Biochem J. 1920 Jul ;14(3-4):290-363. The Relative Value of Fat and Carbohydrate as Sources of Muscular Energy : With Appendices on the Correlation between Standard Metabolism and the Respiratory Quotient during Rest and Work. Krogh A, Lindhard J.

[6] High-carbohydrate versus high-fat diets in endurance sports. Asker Jeukendrup.

[7] Br J Sports Med. 2014 ; 48(14):1077-8. Low-carbohydrate diets for athletes : what evidence ? Noakes T, Volek JS, Phinney SD.

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