Vous êtes au supermarché en train de lorgner sur une belle caisse de prunes. Vous vous penchez pour vous saisir du fruit cultivé de façon conventionnelle, mais tout à coup vous décidez de vous rabattre sur ses cousins biologiques à 1 euro de plus le kilo. Vous vous dites que bien que le prix soit plus élevé, vous avez pris une bonne décision pour votre santé en choisissant un aliment biologique, pourtant, une étude de l’Université de Stanford [1] vient confirmer ce qu’on savait déjà, à savoir que votre décision n’est pas forcément la meilleure.

“Il n’y a pas tant de différence que cela entre les aliments biologiques et conventionnels, surtout si vous êtes un adulte et que vous prenez votre décision sur l’unique critère de la santé” dit l’auteur de l’étude, le Dr Dena Bravata, qui a comparé le caractère nutritif des aliments biologiques et non biologiques.

L’équipe, dirigée par Bravata, a réalisé la méta-analyse la plus complète possible à ce jour sur les études existantes qui ont comparé les aliments biologiques et conventionnels. Ils n’ont pas trouvé de preuve solide que les aliments biologiques étaient plus nutritifs, ni qu’ils étaient moins risqués à la santé que leurs alternatives conventionnelles, bien que la consommation de produits biologiques puisse réduire le risque d’exposition aux pesticides.

La popularité des produits biologiques, qui sont généralement cultivés sans pesticides ni fertilisants synthétiques, sans recours aux antibiotiques et hormones de croissance, est montée en flèche ces dernières années. Les consommateurs sont prêts à payer plus cher pour ces produits qui coûtent parfois le double que leurs homologues conventionnels.

Bien que la perception habituelle des gens – qui repose peut-être seulement sur le prix – est que les aliments biologiques sont meilleurs pour vous que les non biologiques, cela demeure une question ouverte pour ce qui est de leur bénéfices à la santé. En fait, l’étude de Stanford est la conséquence d’une demande récurrente des patients aux chercheurs et médecins sur les bénéfices des produits biologiques. Jusqu’à maintenant ils ne savaient pas trop quoi répondre.

Les chercheurs ont donc fait d’amples recherches dans la littérature scientifique, découvrant ce qu’ils nomment un “corps d’études confus, qui comprend certaines études qui ne sont pas très rigoureuses dans leur méthodologie (dont le caractère scientifique est faible) ou publiées dans des revues commerciales”. Il n’existait pas de synthèse complète qui comprenne des éléments de preuve à la fois sur les bénéfices et les dangers. “C’était un domaine à point pour faire une revue systématique” explique Smith-Spangler, co-auteur de l’étude.

Pour faire leur étude, les chercheurs ont passé au crible des milliers d’articles scientifiques et en ont identifié 237 comme étant les plus pertinents pour une analyse. Ceux qui comprenaient 17 études (dont six qui étaient des essais cliniques randomisés) sur des populations qui suivaient un régime alimentaire constitué d’aliments biologiques ou conventionnels, et 223 études qui ont comparé soit les niveaux nutritifs ou les contaminations bactériennes, fongiques et pesticides de produits variés (fruits, légumes, céréales, viandes, lait, volaille et œufs) cultivés biologiquement ou conventionnellement. Il n’y avait aucune étude à long terme sur la santé des populations qui consomment des aliments fabriqués biologiquement contre non biologiques, la durée des études, qui impliquaient des êtres humains, allait de deux jours à deux ans.

Après avoir analysé les données, les chercheurs ont trouvé peu de différences dans les bénéfices pour la santé entre les aliments biologiques et conventionnels. Aucune différence conséquente n’a été trouvée dans les contenus en vitamines des aliments biologiques, et seul un nutriment, le phosphore, était significativement plus élevé dans les produits bio que les conventionnels. Il n’y avait pas non plus de différences dans les contenus en protéines et en graisses entre le lait biologique et conventionnel, bien que des preuves provenant d’un nombre limité d’études suggèrent que le lait biologique pourrait contenir plus d’acides gras oméga 3.

Les chercheurs n’ont pas pu identifier non plus les fruits et les légumes spécifiques pour lesquels le mode de culture biologique constituait un meilleur choix à la santé, malgré les très nombreuses analyses existantes. “Certaines personnes croient que les aliments biologiques sont un meilleur choix à la santé et qu’ils sont plus nutritifs” dit Smith-Spangler. “Nous étions un peu étonnés de ne pas confirmer cette croyance.”

L’analyse n’a trouvé que de maigres preuves que les aliments cultivés conventionnellement posaient de plus grands risques à la santé que les produits biologiques. Alors que les chercheurs ont trouvé que les produits bio avaient 30% de risque en moins de contamination aux pesticides que les autres, les aliments biologiques ne sont pas totalement exempts de pesticides.

En outre, les chercheurs ont noté que les niveaux de pesticides de tous les aliments restent généralement dans les limites autorisées. Deux études sur des enfants, qui consommaient des aliments biologiques et conventionnels, ont trouvé des niveaux plus faibles de résidus de pesticides dans l’urine des enfants qui suivaient un régime bio, bien que la signification de ces résultats sur la santé des enfants demeure obscure. En outre, les poulets et les porcs biologiques semblent réduire l’exposition aux bactéries résistantes aux antibiotiques, mais la signification clinique de ces données est aussi peu claire.

Les chercheurs déclarent que leur objectif est surtout d’instruire les gens, et non pas de les détourner des achats de produits bio. “Si vous regardez au-delà des effets sur la santé, il y a beaucoup d’autres raisons d’acheter des produits biologiques au lieu des conventionnels” note Bravata. Elle liste les préférences de gout et les problèmes relatifs aux pratiques de culture intensive sur l’environnement et le bien-être des animaux comme étant quelques-unes des raisons qui font qu’on peut opter pour le bio.

“Notre objectif était de mettre en lumière ce que disent les preuves” disent les chercheurs. “C’est l’information que tout le monde peut utiliser pour prendre ses décisions en toute connaissance de cause à propos des pesticides, du budget et autres choses.” Le plus important pour l’instant est surtout que les individus aient un régime alimentaire plus sain, plus équilibré, plus de fruits et légumes, quelque-soit leur mode de production.

 Les vérités qui dé-mangent : Les Coups de gueule d’une nutritionniste engagée. Béatrice de Reynal.

Références :

[1] Crystal Smith-Spangler, Margaret L. Brandeau, Grace E. Hunter, J. Clay Bavinger, Maren Pearson, Paul J. Eschbach, Vandana Sundaram, Hau Liu, Patricia Schirmer, Christopher Stave, Ingram Olkin, Dena M. Bravata. Are Organic Foods Safer or Healthier Than Conventional Alternatives ?A Systematic Review. Annals of Internal Medicine, 2012 ; 157 (5) : 348-366.

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