Les résultats positifs des études sont souvent plus intéressants que les résultats négatifs. Ce n’est plus un secret et c’est même un problème bien connu de la connaissance et de la recherche en médecine ainsi qu’un gros défaut journalistique. Si l’on fait 10 études sur un produit “miracle”, et que neuf d’entre elles ont trouvé que le “remède” ne donne pas de résultats apparemment favorables, on devine aisément quelle étude sera acceptée dans un grand journal et sélectionnée par les médias. C’est le cas avec une étude sur l’arginine, publiée dans l’European Journal of Applied Physiology [1], avec précisément le type de résultat négatif dont personne ne veut !

Mais cette étude est intéressante car elle a trouvé le contraire d’une autre sur l’arginine, publiée 2 ans plus tôt [2]. Il s’avère en outre que ces deux études ont été réalisées par presque le même groupe de chercheurs à l’Université d’Exeter. Alors pourquoi ces résultats situés à l’opposé l’un de l’autre ?

Premièrement, quelques informations de base sur la L-arginine. L’idée est que l’arginine est supposée marcher d’une façon similaire au jus de betterave pour augmenter l’endurance. Les points de vue actuels sur le jus de betterave est qu’il est source de nitrate, qui est converti (surtout grâce à l’aide des bactéries présentes dans la bouche) en nitrite, qui est ensuite transformé en monoxyde d’azote (ou oxyde nitrique). Le monoxyde d’azote est l’objectif final à atteindre ici : bien que les mécanismes exacts demeurent obscurs, il semble faire que les contractions musculaires utilisent moins d’oxygène, ce qui améliore le “rayon d’action” pendant un exercice d’endurance. En plus du circuit nitrate-> nitrite-> oxyde nitrique, le corps a un autre moyen de générer de l’oxyde nitrique à partir de la L-arginine, en utilisant une enzyme appelée la synthétase NO. Ainsi la théorie qui stipule de prendre plus de L-arginine pour produire plus d’oxyde nitrique comme le jus de betterave semble tomber sous le sens.

En pratique, l’étude de 2010 semble montrer que ça fonctionnait comme prévu. Les sujets ont pris 6 grammes de L-arginine (dans une expérience en double aveugle), la quantité d’oxygène dont ils avaient besoin à une intensité donnée pendant l’exercice a diminué, et leurs performances se sont améliorées. Mais d’autres études, à partir de la même idée de base, ont produit des résultats contradictoires, ce qui explique pourquoi les chercheurs ont répété l’expérience. Il y avait une différence d’importance cette fois-ci : ils ont donné comme supplément de la L-arginine pure au lieu d’un cocktail de suppléments (contenant de la L-arginine) qu’ils ont utilisé dans la première expérience.

Il est important de noter qu’en plus de la L-arginine, le supplément original contenait un certain nombre d’autres nutriments qui augmentent potentiellement la performance comme de l’arginine alpha-ketoglutarate, des bioflavanoïdes de citron, un acide a-lipoïque, de la L-glutamine, de la L-citruline, de la L-carnitine acétyle, de la L-carnitine citrate, de la L-cyctéïne et de la bétaïne, et la poudre était colorée en utilisant du jus de betterave qui contient du nitrate inorganique. Ainsi, il est possible que les effets positifs que nous avons observés étaient consécutifs à des effets indépendants venant d’un, ou de l’effet cumulé de plusieurs, des nutriments apportés ou à une interaction synergique entre la L-arginine et un ou plusieurs des autres ingrédients.

Or, l’étude originale ne mentionne tous les autres ingrédients que de façon sommaire :

Une des limites de la présente étude était que le supplément de L-arginine vendu dans le commerce que nous avons administré contenait des petites quantités d’autres composés qui pourraient être considérés comme ’actifs”, ou qui pourraient avoir agit de manière synergique avec la L-arginine. Alors que nous ne pouvons pas exclure cette possibilité, nous considérons cela comme peu probable étant donné la similarité de nos résultats avec d’autres études dans lesquelles le NO disponible était augmenté à un degré identique en utilisant du nitrate pharmacologique ou alimentaire.

En un sens, ceci est un bon exemple de la façon dont la science est supposée fonctionner. On fait une expérience, et on propose la meilleure interprétation sur laquelle faire reposer le savoir actuel. Puis ensuite, si d’autres études n’arrivent pas à confirmer ces conclusions, on reprend les hypothèses originales et on examine certaines des hypothèses sous-jacentes. Est-ce que ces “quantités infimes” d’autres substances ont certains effets après tout ? On essaye encore, avec une méthodologie différente. Et si les résultats ne confirment pas les résultats initiaux, on publie quand même.

Il demeure toujours beaucoup de questions sans réponses, comme ce qui provoque réellement cette élévation de la performance apparente de l’étude originale. Et nous sommes toujours loin de comprendre comment la L-arginine est utilisée dans le corps. Mais au moins nous savons que, contrairement aux premiers résultats, le fait de prendre de grandes doses de L-arginine avant de faire de l’exercice d’endurance n’a probablement aucun effet.

Références :

[1] No effect of acute L-arginine supplementation on O(2) cost or exercise tolerance. Vanhatalo A, Bailey SJ, Dimenna FJ, Blackwell JR, Wallis GA, Jones AM. Eur J Appl Physiol. 2013 Feb 20.

[2] Acute L-arginine supplementation reduces the O2 cost of moderate-intensity exercise and enhances high-intensity exercise tolerance. Stephen J. Bailey, Paul G. Winyard, Anni Vanhatalo, Jamie R. Blackwell, Fred J. DiMenna, Daryl Paul Wilkerson, Andrew M. Jones. Journal of Applied Physiology, 2010 jap.00503.2010.

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