Avec la découverte que l’inconscient joue un rôle dans l’effet placébo, des chercheurs ont identifié un nouveau mécanisme qui permet d’expliquer la puissance des placebos et des nocebos.

Publiés dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) [1], ces résultats démontrent que l’effet placebo peut être activé en dehors d’un état de conscience, et apportent une explication sur la façon dont les patients peuvent vivre une amélioration clinique, même quand ils reçoivent des traitements vides de tout ingrédient actif ou sans thérapeutique connue pour être efficace.

“Dans cette étude, nous avons utilisé une nouvelle méthodologie expérimentale et avons découvert que l’effet placébo et nocebo (le placebo négatif) reposaient sur des mécanismes cérébraux qui ne sont pas dépendants de la conscience cognitive” explique le Dr Karin Jensen. “Une personne peut avoir une réponse placebo ou nocebo même s’il ou elle est inconscient de toute suggestion d’amélioration ou anticipation d’aller plus mal.”

On pense depuis longtemps que les réponses placébos sont associées à des croyances ou pensées conscientes, et que quand ils reçoivent une pilule ou une thérapie inerte, les patients vont mieux parce qu’ils s’attendent à aller mieux, ou, dans le cas des nocebos, à aller pire parce qu’ils anticipent des effets secondaires.

Cependant, des scientifiques ont reconnu que les êtres humains apprennent à s’attendre rapidement et automatiquement à avoir une récompense ou une menace sans avoir besoin d’enregistrer consciemment l’idée dans leurs cerveaux. Comme l’écrivent les auteurs, les études en neuro-imagerie du cerveau humain suggèrent que certaines structures, comme le striatum et l’amygdale, peuvent traiter les stimuli entrants avant qu’ils atteignent la conscience, avec pour conséquence qu’ils puissent servir d’intermédiaire aux effets inconscients sur la cognition et le comportement.

Les scientifiques ont cherché à déterminer si les réponses placebo et nocebo pouvaient être activées à l’extérieur de la conscience d’une personne, même si elle ne s’attendait pas à une amélioration ou une détérioration de son état.

Jensen et ses collègues ont étudié 40 volontaires en bonne santé (24 femmes et 16 hommes, d’âge médian 23 ans). Deux expériences ont été réalisées : dans la première, les chercheurs ont administré une stimulation de chaleur sur les bras des participants tout en leur montrant simultanément des images de visages humains masculins sur un écran d’ordinateur. Le premier visage était associé à des stimulations de faible douleur, et la seconde image à une forte douleur.

On a ensuite demandé aux patients d’évaluer leur expérience de la douleur sur une échelle de 0 à 100. 0 étant pas de douleur du tout et 100 la pire douleur imaginable, mais sans que les patients sachent que toutes les stimulations de chaleur avaient la même intensité modérée. Comme attendu, les évaluations de la douleur étaient corrélées aux associations préalablement apprises, avec une évaluation de la douleur à 19 quand les sujets voyaient les visages de la faible douleur, tandis que le visage de la forte douleur a eu pour résultat une note de 53 sur l’échelle de la douleur (effet nocebo).

Puis, dans la seconde expérience, les participants ont reçu les mêmes niveaux de chaleur thermique. Une fois encore, les images faciales étaient projetées sur un écran d’ordinateur, mais cette fois-ci, elles flashaient si rapidement que les sujets ne pouvaient pas consciemment les reconnaitre. Les participants, une fois encore, ont rapporté leur douleur, et malgré l’absence de signaux de reconnaissance consciente, ils ont rapporté une évaluation moyenne de douleur à 25 en réaction au visage de faible douleur (effet placebo) et une évaluation moyenne de 44 en réaction au visage associé à la forte douleur (réaction nocebo), même s’ils ne reconnaissaient pas consciemment les visages sur les écrans.

“On s’attendrait à ce qu’un tel mécanisme soit plus automatique et plus fondamental pour notre comportement comparé aux jugements et attentes délibérés” explique les chercheurs. “Plus important encore, cette étude apporte un modèle unique qui nous permet d’étudier plus loin les mécanismes placebo et nocebo, en utilisant des outils tels que la neuro-imagerie.”

“Ce n’est pas ce que les patients pensent qu’il va se passer qui influence les résultats, c’est ce que l’esprit non conscient anticipe malgré toute pensée consciente. Ce mécanisme est automatique, rapide et puissant, et ne dépend pas de la délibération ni du jugement. Ces résultats ouvrent une nouvelle voie dans la compréhension des placebos et des rituels de la médecine.”

 Le Mystère du Nocebo. Patrick Lemoine.

Références :

[1] Nonconscious activation of placebo and nocebo pain responses
PNAS, 2012.

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