La course pieds-nus fait les gros titres depuis 1960, lorsque Abebe Bikila a couru sans chaussures et a établi un nouveau record du monde du marathon aux Jeux Olympiques de Rome. Même les fabricants se sont adaptés pour coller à la tendance cette époque, avec la plupart d’entre eux qui proposent leur propre version de chaussures minimalistes.
Les supporters de la course pieds-nus font de nombreuses déclarations sur ses vertus, mais que disent réellement les éléments de preuve scientifiques ?
Benno Nigg et Henrik Enders de l’Université de Calgary ont étudié le sujet. Leur article, publié dans le journal Footwear Science [1] a examiné la recherche disponible sur les effets de la course à pieds nus sur le mouvement du pied, sur l’entrainement, sur l’économie de la course et sur les blessures.
Ils ont commencé par les déclarations survoltés des coureurs pieds-nus selon lesquelles le fait de courir sans chaussures encouragerait l’appui sur le devant du pied plutôt que sur le talon, ce qui causerait moins de blessures aux coureurs. Les chercheurs réfutent cela, en affirmant que non seulement la recherche disponible ne démontre pas de diminution du risque de blessure, d’autres facteurs comme la surface de la course, le choix des chaussures, la vitesse et les préférences individuelles jouent un rôle trop large pour rendre possibles de telles généralisations. De plus, les chercheurs n’ont pas trouvé de différences entre les mouvements chaussés et pieds-nus dans la capacité des coureurs de renforcer certains muscles.
Le poids ajouté d’une chaussure (jusqu’à 300 grammes environ) ne semble pas avoir beaucoup d’effet sur la performance non plus. Ce qui semble faire plus de différence était ce que les chercheurs appellent le “modèle du mouvement préféré” : l’association d’une chaussure choisie et le type d’atterrissage préféré du coureur sur le sol.
Nigg et Enders ont aussi réfuté la principale affirmation des adeptes de la course pieds-nus selon laquelle le fait de courir sans chaussures cause moins de blessures. Ils font remarquer les problèmes de la recherche sur lesquelles reposent ces affirmations, et notent que bien que les articles existants traitent des différentes blessures causées par les différents styles d’atterrissage sur le sol, ils ne connaissent aucune publication qui apporte des preuves solides que ceux qui courent pieds-nus ont moins de blessures que ceux qui courent chaussés. Ils concluent, plutôt simplement, qu’on ne sait pas si les coureurs pieds-nus ont plus, autant ou moins de blessures que les coureurs avec des chaussures de course conventionnelles.
Le débat actuel sur les bénéfices de la course pieds-nus contre la course chaussée tend à se focaliser sur “ce qui est le meilleur”. Les travaux de Nigg et Enders suggèrent que ce n’est peut-être pas la bonne question à poser. Ce qui est le plus important, au moins en termes de performance et de blessure, apparait être la préférence individuelle et le style de la course à pieds.
Les préférences subjectives devraient jouer un rôle plus important dans ce débat, quelque-soit ce que les fabricants de chaussures, les entraineurs ou les autres athlètes peuvent dire : au final, les coureurs courent mieux quand ils ont leur confort, et ce quelque-soit ce qu’ils portent (ou ne portent pas) à leur pieds.
Références :
[1] Benno Nigg, Hendrik Enders. Barefoot running – some critical considerations. Footwear Science, 2013 ; 5 (1) : 1 DOI:10.1080/19424280.2013.766649.