Des chercheurs de l’Université d’Alabama déclarent qu’il est temps d’abandonner certains mythes populaires, mais cependant faux, concernant l’obésité. Dans un article publié dans la revue Critical Reviews in Food Science and Nutrition [1] l’équipe de recherche a présenté neuf mythes sur l’obésité et 10 suppositions non prouvées tenues habituellement pour vrais et qui ne le sont pas, dont les auteurs pensent qu’ils sont à l’origine de politiques de santé inadéquates ou mauvaises, de recommandations publiques imprécises et de gaspillage.

“L’obésité est un sujet sur lequel il y a le plus d’avis tranchés en l’absence de preuves scientifiques pour les supporter, et certains de ces points de vue sont solidement ancrés chez les gens malgré des éléments de preuve qui les contredisent” explique le Dr David Allison, auteur de l’article. “Nous faisons référence aux premiers en tant que présomptions et aux derniers en tant que mythes”.

Pour chacun de ces 19 mythes ou présomptions, l’équipe de scientifiques, constituée d’experts internationaux dans les domaines de l’obésité et de la nutrition, ont décrit chaque croyance et ont donné des éléments de preuve expliquant pourquoi ces croyances étaient si largement et si solidement partagées. Ils ont ensuite présenté les arguments utilisés pour confirmer ou réfuter ces croyances, ainsi que les études scientifiques relatives quand celles-ci existaient.

Pour chacun des neuf mythes, les conclusions des auteurs et leurs recommandations aux politiques et au public sont identiques : il faut définitivement les abandonner pour passer à autre chose.

“Il est très important d’étiqueter ces mythes pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire une mauvaise répartition des ressources disponibles, afin de mieux s’occuper du problème de l’obésité qui est un important problème de santé publique” dit le Dr Krista Casazza, co-auteure de l’étude. “L’intention première de cet article est de proposer une tentative d’explication sur la raison d’une telle dissémination de ces croyances, afin de trouver des moyens d’en limiter la propagation”.

Les neuf principaux mythes sont :

 Perdre du poids rapidement va prédisposer regrossir plus encore par rapport à une perte de poids plus lente.

 Le fait de poser des objectifs réalistes de perte de poids avec un traitement contre l’obésité est important parce que sinon les patients seront frustrés et perdront moins de poids.

 Le fait d’évaluer “”le bon moment” ou la “volonté” de se mettre au régime est important, car cela aide les patients qui suivent un traitement pour maigrir à mieux perdre de poids.

 Les cours d’éducation physique, tels qu’établis actuellement, jouent un rôle important dans la prévalence de l’obésité infantile.

 Les enfants allaités au sein sont mieux protégés contre l’obésité.

 La fait de se peser tous les jours est contreproductif pour maigrir.

 Les gènes ne contribuent pas à l’épidémie d’obésité.

 La première année à l’université est associée à une forte prise de poids.

 Les déserts alimentaires (i.e. les régions avec peu ou pas d’accès à de la nourriture comme des produits frais et bons pour la santé) augmentent la fréquence de l’obésité.

Les 10 présomptions sont définies comme étant des croyances qui n’ont pas d’études définitives pour les confirmer, et les scientifiques déclarent qu’il faudrait que des études soient faites pour les confirmer ou les infirmer.

“Ces présomptions sont souvent une force qui dirige des décisions pour des traitements contre l’obésité, pour la mise en place de politiques de santé, de recommandations ou de recherches futures” dit Casazza. “Nous devons produire des éléments de preuve dans ces domaines dans lesquels les preuves manquent. Pour de nombreuses croyances présentées, les études randomisées et contrôlées ne seraient pas trop difficiles ni trop chères à réaliser, et pourtant elles n’ont jamais été faites”.

Ces présomptions/suppositions sont :

 Prendre régulièrement un petit-déjeuner (contre le fait de le sauter) protège contre l’obésité.

 Manger avant d’aller au lit fait grossir.

 Manger plus de fruits et légumes fera maigrir ou fera moins grossir, et ce quelques-soient les changements réalisés dans son comportement ou son environnement, qu’ils soient intentionnels ou non.

 Faire du yo-yo avec son poids (maigrir puis grossir puis maigrir, etc.) augmente le taux de mortalité.

 Les grignotages ou les encas font grossir et causent l’obésité.

 L’environnement urbain, en termes de rues piétonnes, de passages piétons, de voies cyclistes ou de parcs, influence l’obésité.

 Réduire le temps passé devant un écran diminuera l’obésité chez les enfants.

 Diminuer la taille des portions servies conduit à manger moins sans qu’il soit besoin d’obliger les gens à réduire leur consommation de nourriture, et sans qu’ils en soient conscients, même si la quantité de nourriture disponible est illimitée.

 Le fait de prendre des repas en famille réduit l’obésité.

 Boire plus d’eau va réduire la consommation d’énergie et fera perdre du poids, ou moins grossir, quelques-soient les changements opérés dans son comportement ou son environnement directs.

Les chercheurs d’ajouter que l’acceptation partagée des mythes et présomptions sur l’obésité soulève la question du pourquoi nous croyons si souvent à des choses qui n’existent pas.

Les auteurs ont identifié plusieurs facteurs qui semblent contribuer à ce phénomène. L’un d’eux est ce que les psychologues nomment “l’effet d’exposition” – le fait de répéter assez souvent une idée fait que les gens sont plus enclins à l’accepter. Un autre facteur est que les gens pourraient tellement aimer certaines idées qu’ils hésitent à les abandonner malgré des preuves du contraire.

Il y a ensuite le phénomène du “biais de confirmation”, où nous avons tendance à chercher et à conserver seulement les sources d’informations qui confirment nos opinions. “Heureusement, la méthode scientifique et la pensée logique sont là pour détecter les déclarations erronées, les défauts et accroitre la connaissance” dit Allison. “Nous pensons que les scientifiques doivent chercher les réponses en ayant recours aux meilleures études expérimentales. En tant que communauté scientifique, nous devons être honnête avec le public sur ce que nous savons et sur ce que nous ne savons pas, et évaluer des stratégies dans le cadre de la prévention de l’obésité et de la perte de poids”.

“Ces dernières années, disent les chercheurs, avec l’augmentation de l’épidémie d’obésité, de nombreux papiers ont utilisé une rhétorique guerrière pour décrire nos efforts visant à abattre cette épidémie”. “En effet, il est démontré que dans certaines conditions de guerre ou de situations émotionnelles extrêmes, la propagande est utilisée et les messages complexes sont déformés en slogans simplistes sans tenir compte de leur vérité. En tant que scientifiques, nous devons résister à cette production de slogans et peut-être minimiser cette rhétorique guerrière, qui pourrait conduire à une volonté de déformer l’information et de dissimuler les complexités.”

Références :

[1] Krista Casazza, Andrew Brown, Arne Astrup, Fredrik Bertz, Charles Baum, Michelle Bohan Brown, John Dawson, Nefertiti Durant, Gareth Dutton, David A. Fields, Kevin R. Fontaine, David Levitsky, Tapan Mehta, Nir Menachemi, Pk Newby, Russell Pate, Hollie Raynor, Barbara J. Rolls, Bisakha Sen, Daniel L. Smith, Diana Thomas, Brian Wansink, David B. Allison, A. Bray George. Weighing the Evidence of Common Beliefs in Obesity Research. Critical Reviews in Food Science and Nutrition, 2014 ; 00 DOI : 10.1080/10408398.2014.922044.

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