Cela fait presque un siècle que des chercheurs de l’Université de Berkeley ont découvert la vitamine E, puis de nombreuses études ont cherché à connaitre les bénéfices potentiels de cet antioxydant pour la santé. Après tout, dans les expériences en laboratoire, les antioxydants neutralisent potentiellement les “dangereux” radicaux libres. Peut-on dès lors conférer les mêmes bénéfices pour le corps humain ? Durant toutes ces années, les fabricants de compléments alimentaires et certains chercheurs ont prédit que la vitamine E aiderait à prévenir le cancer, les maladies cardiovasculaires et la maladie d’Alzheimer, tout comme elle aiderait à avoir une bonne vue ainsi qu’une peau rayonnante. Alimentés par l’espoir et le battage médiatique qui l’entoure, les suppléments de vitamine E ont vu leurs ventes s’envoler.

Mais que dit réellement la recherche ? Les premières études qui avaient trouvé un bénéfice, principalement pour les maladies de cœur, étaient des études d’observation pas toujours bien conçues : les chercheurs demandaient aux gens s’ils prenaient des suppléments de vitamine E et puis ils regardaient leur santé. Les études plus récentes cependant – la plupart d’entre elles étant des études cliniques de bonne qualité – n’ont pas trouvé de bénéfice. En fait, quelques études montrent même que des fortes doses de vitamine E pourraient être nocives.

Voici quelques résultats provenant des études les plus importantes sur les suppléments de vitamine E :

 Maladies cardiovasculaires et attaques : en 2008, l’étude Physicians’ Health Study II a étudié plus de 14000 médecins masculins qui prenaient des hautes doses de vitamine C ou de vitamine E pendant huit ans. Le supplément de vitamine n’a réduit ni les crises cardiaques, ni les attaques, ni les décès par causes cardiovasculaires. En fait, la vitamine E a légèrement augmenté le risque d’attaques hémorragiques. Cette étude a été suivie par une analyse de plusieurs études en 2010 qui ont trouvé que les suppléments de vitamine E augmentaient le risque d’attaques hémorragiques de 22 %.

 La longévité : selon une revue de plusieurs études qui incluaient presque un demi-million d’individus, les suppléments d’antioxydants (comprenant de la vitamine E, du bêta carotène et du sélénium) n’ont pas prolongé la vie ni protégé contre la maladie. Cette revue a été faite par la Collaboration Cochrane qui est un groupe indépendant qui évalue les éléments de preuve scientifiques sur la santé. D’autres grandes études ont aussi suggéré que les suppléments de vitamine E, et d’autres pilules d’antioxydants, sont associés à une augmentation de la mortalité.

 Les suppléments de vitamines, y compris de vitamine E, n’ont pas prouvé être protecteurs d’après une étude de 2007 de l’Institut National du Cancer. Les fumeurs qui prenaient des compléments alimentaires de vitamine E avaient en fait un risque légèrement plus élevé de cancer du poumon. Bien cela ne constitue pas une conclusion définitive, les chercheurs ont alerté les fumeurs sur le fait que les suppléments “pourraient être nocifs.”

 Cancer de la prostate : une étude de 2011 de l’Institut National du Cancer a voulu savoir si la vitamine E pouvait aider à prévenir le cancer de la prostate. Des recherches antérieures n’avaient pas trouvé de bénéfices ni d’effets délétères provenant de la vitamine E. Cette grande étude sur 35 533 hommes et sur une période de trois ans est arrivée à un résultat étonnant [1] : les hommes en bonne santé qui prenaient de la vitamine E avaient en fait une incidence plus élevée de cancer de la prostate que les autres hommes !

En général, il existe peu de recherches cliniques qui aient montré que les suppléments de vitamine E apportent des bénéfices à la santé. La plupart des essais cliniques récents ont été négatifs ou peu concluants.

Il y a cependant des gens avec des conditions qui pourraient vouloir parler de ces suppléments avec leur médecin. La recherche a trouvé quelques éléments de preuve selon lesquels les compléments alimentaires de vitamine E pourraient réduire les dégâts causés au foie par l’inflammation provenant de la maladie du foie gras non alcoolique [2], une maladie associée à l’obésité. Il n’y a pas de traitement médical standard contre cette maladie mortelle. La thérapie par la vitamine E a affiché une amélioration des patients souffrant de symptômes agressifs qui n’avaient pas de diabète ni de cirrhose.

Les individus avec une dégénérescence maculaire, cause principale de cécité chez les adultes, pourraient aussi évoquer avec leur médecin les formules spéciales de suppléments d’antioxydants – comprenant de la vitamine E – qui ont montré un ralentissement de la progression de cette maladie incurable des yeux. Deux grandes études cliniques de l’Institut National de la Vue a trouvé que des formules de vitamine C, E, béta carotène, lutéine et de zéaxanthine ont réduit le risque de progression de la maladie de 25 %.

Mais pour la plupart des gens, une bonne alimentation est le meilleur pari à faire. Aucune étude n’a trouvé de risque provenant d’une consommation moins élevée de vitamine E trouvée naturellement dans des aliments comme les noix, les graines, les huiles végétales, les céréales complètes et les légumes verts.

Références :

[1] Vitamin E and the Risk of Prostate Cancer. The Selenium and Vitamin E Cancer Prevention Trial (SELECT). JAMA. 2011 ;306(14):1549-1556.

[2] Curr Opin Clin Nutr Metab Care. 2012 Nov ;15(6):641-8. Vitamin E and nonalcoholic fatty liver disease. Pacana T, Sanyal AJ.

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