Les bodybuilders végétariens ont-ils enfin obtenu la confirmation qu’ils attendaient depuis longtemps ? Une étude a rapporté que les protéines qui provenaient des plantes étaient plus efficaces pour construire du muscle que les protéines animales.
L’impact environnemental élevé d’une alimentation riche en produits animaux et laitiers peut être une raison faisant que certains sportifs se détournent de ces produits pour une alimentation végétarienne [1]. En fait, la plupart des protéines mangées dans le monde (58 %) proviennent de sources végétales comme le soja, les céréales, les légumineuses et les pommes de terre, et le reste vient de la viande, du poisson, des produits laitiers et des œufs (bien que ces proportions soient inversées dans les pays Occidentaux ou en Europe) [2].
Malheureusement, comme c’est souvent le cas dans le domaine de la nutrition, les gros titres qui relaient cette recherche non seulement ne tiennent pas compte du contexte pour rapporter ces résultats, mais ils sont également inexacts et trompeurs. Les protéines végétales sont-elles donc réellement meilleures pour faire du muscle ?
L’étude en question, publiée dans l’American Journal of Clinical Nutrition [3], a cherché à savoir comment la consommation de six groupes d’aliments végétaux et animaux différents était associée à la masse musculaire sur environ 3 000 volontaires autour de 40 ans. Les groupes étaient organisés sur la base des préférences des volontaires en ce qui concerne les sources de protéines, et ils étaient classés dans différentes rubriques telles que viande rouge, volaille, poisson, lait écrémé, fast-food et produits au lait entier, fruits et légumes.
Cette recherche a révélé deux choses : premièrement, ce qui est cohérent avec les recherches précédentes, l’étude a montré que les personnes qui mangent le plus de protéines étaient les plus susceptibles d’avoir le plus de masse musculaire [4]. Deuxièmement, qu’il n’y avait pas de relation entre la quantité de masse musculaire des volontaires et la principale source de protéines qu’ils mangeaient. Ainsi, contrairement aux gros titres à sensation, cette étude (comme d’autres [5]) ne confirme pas l’affirmation selon laquelle les protéines végétales sont “meilleures” que les protéines animales pour construire du muscle.
Le contexte est important
Comme pour toute recherche crédible, ces résultats d’étude doivent être remis dans leur contexte. Ainsi, il peut ne pas être très approprié d’appliquer ces résultats provenant de personnes âgées de 40 ans environ à d’autres groupes comme les personnes plus âgées ou les jeunes sportifs.
Environ 80 % de ces volontaires quadras respectent ou dépassent les recommandations en ce qui concerne les apports quotidiens de protéines [6]. Le fait de manger autant de protéines signifie que les différentes sources potentielles auront des effets moins importants sur la masse musculaire. A contrario, les personnes âgées auront un plus grand risque de ne pas avoir assez de protéines car elles tendent à manger moins en général. Le fait de sélectionner la meilleure source de protéines pour fabriquer du muscle est, dans ce cas, plus susceptible de devenir important en vieillissant, notamment pour atteindre la quantité minimale recommandée de protéines.
Malgré ces limitations, il y a des preuves qui soutiennent l’idée selon laquelle les protéines animales sont plus efficaces pour fabriquer du muscle que les protéines végétales. Les études qui ont comparé les sources de protéines animales aux sources végétales sur une base du gramme ont démontré en général que les sources de protéines animales favorisent une plus grande réaction de construction musculaire [7] [8].
Les études sur les adultes plus âgés ont aussi montré que pour une même quantité de construction musculaire il faut moins de protéines animales, comme la protéine de petit lait (whey) par exemple, que de protéines végétales comme celles issues du soja [9] [10]. Ainsi, on peut considérer que les protéines animales sont plus “efficaces” pour ce qui est de favoriser la croissance musculaire que les protéines végétales.
Chez les jeunes hommes entrainés de 85 kilos environ, plusieurs études ont montré que 20 grammes de protéines whey suffisaient à maximiser la synthèse protidique musculaire, bien que la quantité pourrait plutôt approcher les 40 grammes après certains types d’exercices. À partir de ce que nous savons sur l’efficacité des protéines végétales, nous pouvons présumer qu’il en faudra plus pour obtenir les mêmes effets (chez les jeunes adultes) [11] [12] [13]. Ainsi, ces résultats provenant d’études contrôlées en laboratoire montrent bien que les protéines animales sont meilleures pour construire du muscle que les protéines végétales.
Les protéines de qualité supérieure
La raison qui fait que les protéines animales sont généralement considérées comme étant de “qualité supérieure” pour faire du muscle provient du type d’acides aminés qu’elles contiennent. Les acides aminés, notamment la leucine, sont considérés comme une clé essentielle pour diriger la synthèse protidique musculaire [14]. En général, les protéines animales ont une proportion plus élevée (9 % à 13 %) de leucine que les protéines végétales ( 6 % à 8 %). En outre, les protéines provenant des animaux contiennent habituellement les neuf acides aminés essentiels tandis que les protéines issues du végétal ont un ou plus de ces acides aminés qui manquent [15].
Il y a cependant des exceptions comme avec les protéines de maïs, qui contiennent 12 % de leucine, et celles de quinoa qui possèdent tous les acides aminés essentiels [16]. Ainsi, il se peut que certaines protéines végétales soient aussi efficaces que les protéines animales de qualité supérieure.
On peut potentiellement augmenter la “qualité” des protéines provenant des végétaux en les fortifiant avec un supplément de leucine, en combinant différentes sources pour s’assurer que l’aliment ait tous les acides aminés essentiels, ou en augmentant simplement la quantité recommandée d’une source de protéines végétales [17] [18]. Mais il faut faire attention, car cette dernière option peut nécessiter d’avaler jusqu’à 60 grammes de certaines protéines végétales (équivalent par exemple à 7 grosses pommes de terre), une dose qui peut être compliquée à consommer.
La recherche continue à chercher une source de protéines plus durable et plus écologique qui puisse constituer un apport similaire à celui des protéines animales dans la constitution du muscle. Mais à partir des éléments de preuve disponibles à ce jour, les adeptes de la musculation végétariens ou végétaliens devront être particulièrement attentifs à leur alimentation s’ils veulent obtenir les mêmes résultats que les autres.
Références :
[1] Sustainability of meat-based and plant-based diets and the environment. Am J Clin Nutr September 2003.
[2] The Skeletal Muscle Anabolic Response to Plant- versus Animal-Based Protein Consumption. The Journal of Nutrition.
[3] Dietary protein is associated with musculoskeletal health independently of dietary pattern : the Framingham Third Generation Study. American Journal of Clinical Nutrition.
[4] Dietary protein intake is associated with lean mass change in older, community-dwelling adults : the Health, Aging, and Body Composition (Health ABC) Study. American Journal of Clinical Nutrition.
[5] Effect of protein source on resistive-training-induced changes in body composition and muscle size in older men. Am J Clin Nutr, 2002 vol. 76 no. 3 511-517.
[6] Biogerontology, 2016, Vol 17, Iss 3, pp 529–546. Growing older with health and vitality : a nexus of physical activity, exercise and nutrition.
[7] Consumption of fluid skim milk promotes greater muscle protein accretion after resistance exercise than does consumption of an isonitrogenous and isoenergetic soy-protein beverage. Am J Clin Nutr, 2007, vol. 85 no. 4 1031-1040.
[8] Ingestion of whey hydrolysate, casein, or soy protein isolate : effects on mixed muscle protein synthesis at rest and following resistance exercise in young men. Journal of Applied Physiology, 2009.
[9] Resistance exercise enhances myofibrillar protein synthesis with graded intakes of whey protein in older men, British Journal of Nutrition, Vol. 108, Iss 10, 2012 , pp. 1780-1788.
[10] Myofibrillar protein synthesis following ingestion of soy protein isolate at rest and after resistance exercise in elderly. Nutrition & Metabolism, 2012.
[11] Myofibrillar muscle protein synthesis rates subsequent to a meal in response to increasing doses of whey protein at rest and after resistance exercise. Am J Clin Nutr, 2014. vol. 99 no. 1 86-95.
[12] Ingested protein dose response of muscle and albumin protein synthesis after resistance exercise in young men. Am J Clin Nutr, 2009, vol. 89 no. 1 161-168.
[13] The response of muscle protein synthesis following whole‐body resistance exercise is greater following 40 g than 20 g of ingested whey protein. Physiological Reports.
[14] Nonessential amino acids are not necessary to stimulate net muscle protein synthesis in healthy volunteers. The Journal of Nutritional Biochemistry, Vol. 10, Iss. 2, 1999, pp 89-95.
[15] The Skeletal Muscle Anabolic Response to Plant- versus Animal-Based Protein Consumption, J. Nutr. September 1, 2015, vol. 145 no. 9 1981-1991.
[16] The Skeletal Muscle Anabolic Response to Plant- versus Animal-Based Protein Consumption, J. Nutr. 2015, vol. 145 no. 9 1981-1991.
[17] The Leucine Content of a Complete Meal Directs Peak Activation but Not Duration of Skeletal Muscle Protein Synthesis and Mammalian Target of Rapamycin Signaling in Rats, J. Nutr. 2009, vol. 139 no. 6 1103-1109.
[18] Ingestion of Wheat Protein Increases In Vivo Muscle Protein Synthesis Rates in Healthy Older Men in a Randomized Trial, J. Nutr. 2016, vol. 146 no. 9 1651-1659.