La sensibilité extrême à la lumière chez des patients aveugles a aidé des chercheurs à identifier de nouveaux chemins visuels de la photophobie pendant les migraines.
Demandez à quiconque souffrant de migraines ce qu’il fait quand il a une crise, et vous entendrez probablement : “aller dans une pièce sombre”. Et bien qu’on sache depuis longtemps que la lumière empire les migraines, la raison n’était pas claire (elle).
Des scientifiques du Centre Médical Beth Israel Deaconess ont identifié une nouvelle voie visuelle qui serait à l’origine de la sensibilité à la lumière pendant la migraine chez les individus aveugles et ceux ayant une vue normale. Les résultats, publiés dans Nature Neuroscience [1], aident à expliquer les mécanismes derrière cette condition fort répandue.
Une forte migraine sur un côté associée à un ensemble de symptômes, comprenant des nausées, vomissements et de la fatigue, sont connues comme étant affaiblissantes et étonnamment répandues. On pense que la douleur de la migraine se développe quand les méninges, les systèmes des membranes enveloppant le cerveau et le système central nerveux, deviennent irrités, ce qui stimule les récepteurs de la douleur et déclenche une série d’événements conduisant à l’activation prolongée de groupes de neurones sensoriels.
“Ceci explique la forte migraine et la sensibilité du crâne et des muscles du cou qui l’accompagnent, vécue par de nombreux patients souffrant de migraine” explique l’auteur de l’étude Rami Burstein. En outre, pour des raisons qui étaient inconnues, presque 85% des patients migraineux sont aussi extrêmement sensibles à la lumière, condition connue sous le nom de “photophobie”.
“Les patients migraineux pourraient porter des lunettes de soleil, même la nuit” note-t-il, ajoutant que la lumière la plus faible peut aggraver la douleur de la migraine. Extrêmement handicapant, la photophobie empêche les patients de s’adonner à des activités comme lire, écrire, travailler ou conduire.
C’était l’observation que même des individus aveugles qui souffrent de migraines, vivaient cette photophobie, qui a conduit Burstein et ses collègues à faire l’hypothèse que des signaux transmis depuis la rétine via le nerf optique provoquent d’une manière ou d’une autre l’intensification de la douleur.
Les enquêteurs ont étudié deux groupes de personnes aveugles qui souffraient de migraines. Les patients du premier groupe étaient totalement aveugles suite à des maladies des yeux comme des cancers de la rétine et des glaucomes ; ils étaient incapables de voir des images ou de percevoir la lumière, et donc ne pouvaient pas conserver des cycles d’éveil/sommeil normaux. Les patients du second groupe étaient aveugles à cause de maladies dégénératives de la rétine comme une rétinopathie pigmentaire ; bien qu’ils fussent incapables de percevoir des images, ils pouvaient détecter la présence de lumière et maintenir des cycles éveil/sommeil normaux.
“Alors que les patients du premier groupe n’ont pas vécu d’aggravation de leurs migraines à cause de l’exposition à la lumière, les patients du second groupe ont clairement décrit une douleur intensifiée quand ils étaient exposés à la lumière, en particulier la lumière de longueur d’onde bleue ou grise” explique Burstein. “Ceci suggère que le mécanisme de la photophobie doit impliquer le nerf optique, parce que chez les individus complètement aveugles, le nerf optique ne peut pas du tout porter de signaux de la lumière au cerveau”.
“Nous avons aussi suspecté qu’un groupe de cellules rétiniennes récemment découvertes contenant des récepteurs de mélanopsine (qui aident à contrôler les fonctions biologiques comme le sommeil et l’éveil) est impliqué dans ce processus, parce que ce sont les seuls récepteurs de lumière restant qui fonctionnent chez les personnes qui sont aveugles.”
Les scientifiques ont ensuite réalisé une série d’expériences à partir de ces prémisses, sur un modèle animal de migraine. Après avoir injecté une teinture dans les yeux, ils ont tracé le chemin des cellules rétiniennes mélanopsine à travers le nerf optique jusqu’au cerveau, où ils ont trouvé un groupe de neurones qui sont devenus actifs électriquement pendant la migraine.
“Quand de petits électrodes ont été insérés dans ces ’neurones de la migraine’, nous avons découvert que la lumière stimulait un flux de signaux électriques qui convergeait vers ces cellules” explique Burstein. “Ceci augmentait leur activité en quelques secondes.”
Et même quand la lumière était retirée, ces neurones restaient activés. “Ceci permet d’expliquer pourquoi les patients déclarent que leur migraine s’intensifie dans les secondes après l’exposition à la lumière, et s’améliore 20 à 30 minutes après être retournés dans le noir”.
La découverte de ce chemin fournit aux scientifiques une nouvelle avenue à suivre dans le problème de la photophobie. “Cliniquement, cette recherche est une étape dans l’identification de moyens pour bloquer les voies afin que les patients migraineux puissent endurer la lumière sans douleur”, termine Burstein.
Références :
[1] A neural mechanism for exacerbation of headache by light. Nature Neuroscience.