Des scientifiques de l’Université de Liverpool déclarent que les médicaments anti-obésité n’arrivent pas à apporter de bénéfices à long terme pour la santé et le bien-être parce qu’ils ne s’occupent que des conséquences biologiques de l’obésité, et non pas les causes psychologiques importantes de la surconsommation et de la prise de poids [1].
Le Dr Jason Halford, lecteur d’Appetite and Obesity à l’Université de Liverpool, note que les développeurs de médicaments anti-obésité se concentrent principalement sur la perte de poids comme but ultime, et ne prennent pas en considération les facteurs de motivation et comportementaux qui causent principalement l’obésité. L’obésité est causée par le fait de manger trop de nourriture, associé à un mode de vie trop sédentaire. Cependant, les personnes obèses pourraient aussi avoir une relation à la nourriture complexe qui rend plus difficile pour elles de contrôler suffisamment leur appétit pour pouvoir gérer leur poids.
L’obésité est l’un des problèmes de santé publique les plus sérieux du 21° siècle et, selon les prédictions gouvernementales, pourrait affecter la moitié des hommes et plus d’un tiers des femmes d’ici 2025. L’obésité n’est pas seulement associée à de nombreux problèmes de santé, comme le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires et une réduction de l’espérance de vie, mais a aussi un effet sur les services de la santé, l’industrie, l’éducation et le gouvernement, avec un cout pour l’économie de plusieurs millions d’euros.
Le Dr Halford déclare : “les médicaments anti-obésité n’ont pas traité avec succès les grands problèmes liés à l’obésité parce qu’ils se sont principalement concentrés sur la perte de poids. L’obésité est le résultat de plusieurs facteurs motivationnels qui ont évolué pour nous encourager à manger, non seulement notre susceptibilité vis-à-vis de l’attirance vers la nourriture et les plaisirs de manger des aliments riches, facteurs qui sont, bien entendu, tous trop efficacement exploités par les industries alimentaires.
“Comme les facteurs psychologiques sont critiques pour le développement de l’obésité, les sociétés qui fabriquent les médicaments devraient les prendre en considération quand ils créent de nouvelles thérapies médicamenteuses. Nous avons appris beaucoup de choses à propos des systèmes neurochimiques qui gouvernent les processus comme le désir et le plaisir de la nourriture, et il est temps d’exploiter cette connaissance pour aider les personnes à gérer leur comportement alimentaire.”
Les médicaments anti-obésité peuvent fonctionner de différentes façons, par exemple, en supprimant l’appétit, en modifiant le métabolisme ou en inhibant l’absorption des calories. Il y a cependant de sérieux problèmes concernant la sécurité de la plupart des produits prescrits, ce qui a causé le retrait en Europe de la Sibutramine (Reductil, Meridia) et du Rimonabant (Accomplia). Suite à ces retraits, il reste peu de médicaments anti-obésité en développement.
Le Dr Halford et ses co-auteurs expliquent qu’il y a des caractéristiques motivationnelles, émotionnelles et comportementales qui sont communes aux obèses. Typiquement, les gens obèses ont un désir plus élevé de manger, qui est facilement provoqué par des facteurs environnementaux comme les publicités sur les aliments. Ils montrent une préoccupation face à la nourriture, et ont une préférence marquée pour les aliments très gras et très sucrés. Les gens obèses tendent aussi à manger plus vite et à prendre de plus grandes portions, habitudes qui ensembles résultent en des repas plus important.
Cependant, bien qu’ils avalent des portions plus grandes que la normale, les gens obèses sont moins susceptibles de se sentir rassasiés après avoir mangé, en partie parce que les aliments denses en énergie qu’ils préfèrent ont un impact réduit sur les signaux de l’hormone gastro-intestinale qui aide à favoriser les sentiments de satisfaction et de satiété. En conséquence, il y a de nombreuses raisons pour lesquelles les gens obèses endurent, et provoquent facilement, des sentiments de faim excessive qui culminent dans la surconsommation.
Le Professeur Tim Kirkham, autorité en biopsychologie de l’appétit à l’Université de Liverpool, déclare : “des traitements nouveaux, efficaces, contre l’obésité doivent prendre en compte ces différents facteurs. Nous avons besoin d’identifier les médicaments qui peuvent affecter sélectivement le désir de manger, le plaisir de manger, la satiété et la satisfaction.
Les interventions réalisées spécifiquement pour moduler ces processus pourraient aider à réduire l’expérience répulsive du régime, et maximiser la capacité d’un individu à contrôler son poids avec succès au-delà de son appétit. Actuellement, nous en savons peu sur les effets comportementaux des médicaments anti-obésité en développement, et ainsi nous avons peu d’indications pour savoir si ces nouveaux traitements visent les causes sous-jacentes de l’obésité.”
Références :
[1] Pharmacological management of appetite expression in obesity. Jason C. G. Halford, Emma J. Boyland, John E. Blundell, Tim C. Kirkham, Joanne A. Harrold. Nature Reviews Endocrinology