La structure squelettique du pied et de la cheville diffèrent significativement entre les sprinteurs et les autres, selon des chercheurs de Penn State. Leurs résultats permettent non seulement d’expliquer pourquoi certaines personnes courent plus vite que d’autres, mais pourraient aussi être utiles pour aider les gens qui ont des difficultés à marcher, comme les personnes âgées et les enfants touchés par une paralysie cérébrale.
La recherche de Stephen Piazza, professeur de kinésiologie, publiée dans les Proceedings of the Royal Society B [1], a utilisé l’imagerie par résonance magnétique pour démontrer que les sprinters avaient des os plus longs dans leurs pieds antérieurs que les non sprinters, et une puissance de levier plus réduite dans leurs tendons d’Achille que les non-sprinteurs.
“Nous avons fait les mesures les plus directes possibles de la puissance de levier dans les tendons d’Achille, et avons trouvé que les tendons des sprinteurs avaient des effets de leviers plus courts, qui poussent leurs corps hors du sol comparés aux non-sprinteurs” dit Piazza.
Il explique qu’il pourrait y avoir un compromis entre cette puissance de levier et la force du tendon quand une contraction rapide d’un muscle est demandée.
“Imaginez une brouette avec des poignées de 9 mètres. Des poignées si longues vous donneraient un énorme avantage mécanique comparé à ce que vous obtiendriez avec une brouette avec des manchons de 90 centimètres, mais produire rapidement la même rotation de cette brouette serait plus difficile, parce que vous aurez à lever le bout des poignées très vite. Il est plus facile pour vos bras de produire ces forces de traction quand ils lèvent quelques centimètres plutôt que quelques mètres en une quantité de temps identique” dit Piazza.
“Les tendons d’Achille sont comme vos bras, ils sont plus en mesure de lever votre corps (la brouette) quand les poignées sont assez longues pour fournir suffisamment de puissance de levée, sans être trop longs pour pouvoir produire rapidement de la force par les muscles des mollets.”
Des tendons d’Achille plus courts, les bras du levier, et des os de pieds plus longs (orteils) permettent aux sprinteurs de produire une force de contact plus grande entre le pied et le sol, et de conserver cette force pendant un temps plus long, ce qui avantage les gens qui ont des pieds comme les sprinters.
Pour faire leur recherche, les scientifiques ont étudié deux groupes de huit hommes. Le premier groupe était composé de sprinteurs qui s’entrainaient souvent et faisaient de la compétition. Le second groupe consistait en des individus de même taille qui ne s’étaient jamais entrainé, ni fait de sprint en compétition.
Pour faire partie du groupe des sprinteurs, les individus devaient avoir souvent fait de la compétition, et avoir au moins trois ans d’entraînement continu derrière eux. Sur les huit sprinteurs, six courraient dans l’épreuve du 100 mètres, avec des temps allant de 10,5 à 11,1 secondes. Les deux autres courraient le 200 mètres entre 21,4 et 24,1 secondes.
Les chercheurs ont pris des images IRM du pied droit et de la cheville de chaque sujet. Ils ont ensuite utilisé des logiciels spécialisés pour analyser les images. Les scientifiques ont découvert que les tendons d’Achille des sprinteurs étaient 12% plus courts que les non-sprinteurs. Ils ont aussi trouvé que la longueur combinée des os des gros orteils des sprinters était en moyenne 6,2% plus grande que celle des non-sprinteurs, tandis que la longueur des autres os du pied, le premier métatarsien, était 4,3% plus grande chez les sprinteurs que chez les non sprinteurs.
En plus d’avoir pris des images des pieds et des chevilles de ces coureurs, les scientifiques ont aussi développé un modèle informatique pour étudier l’influence des dimensions du pied et de la cheville sur les contributions musculaires pour suivre la propulsion à différentes vitesses. Ils ont découvert que des pieds antérieurs plus longs et des tendons d’Achille plus petits permettaient aux muscles des mollets de mieux travailler, ce qui est l’objectif recherché pendant la phase d’accélération qui a lieu au début d’un sprint.
Les chercheurs précisent que même si ces résultats pourraient conduire à des tests pouvant dire si une personne a le potentiel pour être sprinter, d’autres facteurs comme le type de corps, les dimensions des jambes et la présence de fibres musculaires rapides sont aussi importants pour ce qui est de déterminer si la course de vitesse de compétition est à la portée d’un individu ou non.
“En outre, on ne sait pas si les différences dans les structures du pied et de la cheville sont des adaptations à l’entraînement de sprint ou si elles sont héréditaires” précise un chercheur. “Il y a des preuves que la force et la forme du squelette humain sont modifiés par certains types d’entraînement athlétique.”
Enfin, le chercheur ajoute que ses résultats pourraient avoir des implications qui vont au-delà de la course de vitesse et ses explications.
“Nos résultats pourraient être utiles pour aider tous ceux qui ont des difficultés à marcher, comme les personnes âgées et les enfants touchés par une paralysie cérébrale. Si nous pouvons mieux comprendre comment la forme des os influence non seulement l’effet de levier des muscles, mais aussi la capacité de bouger, il pourrait être possible de modifier chirurgicalement les os des pieds des gens qui n’ont plus de mobilité pour les aider à se mouvoir. Ou bien aussi à trouver de meilleurs outils d’analyse pour la population ; un IRM pourrait déterminer si vous avez plus de risques de perdre votre mobilité. Si c’est le cas, vous pourriez être davantage motivé à entretenir la force de votre cheville via de la musculation par exemple.”
Références :
[1] Ankle joint mechanics and foot proportions differ between human sprinters and non-sprinters. Josh R. Baxter, Thomas A. Novack, Herman Van Werkhoven, David R. Pennell, Stephen J. Piazza. Proc. R. Soc. B.