Pendant des années, les écrivains populaires ont amusé les lecteurs sur la prémisse que les hommes et les femmes sont si différents psychologiquement qu’ils pouvaient venir de planètes différentes. Mais une étude montre qu’il est temps pour les théories de Mars et de Vénus [1] sur les sexes de revenir sur Terre.
Depuis l’empathie et la sexualité jusqu’à l’intérêt pour la science et l’extraversion, des analyses statistiques de 122 caractéristiques différentes impliquant 13301 individus ont montré que les hommes et les femmes, dans l’ensemble, ne se séparaient pas en groupes différents. En d’autres termes, que votre partenaire semble étrange et impénétrable, leur genre ne représente probablement qu’une petite partie du problème.
“Les gens pensent au sexe féminin/masculin comme des catégories distinctes” dit Harry Reis, professeur de psychologie de l’Université de Rochester et co-auteur de l’étude publiée dans le Journal of Personality and Social Psychology [2]. ” ’Garçon ou fille ?’ est la première question que les parents se posent sur les nouveau-nés, et le sexe persiste pendant la vie comme étant une des caractéristiques les plus envahissantes utilisée pour distinguer les catégories parmi les êtres humains”.
Mais cette dichotomie pratique s’effrite souvent sous un examen statistique minutieux, dit Bobbi Carothers, l’auteure principale de l’étude. Par exemple, il n’est pas inhabituel pour les hommes d’être empathiques ni pour les femmes d’être douées en mathématiques, des caractéristiques que certaines recherches ont associées à l’autre sexe, dit-elle. “Le sexe ne confine pas dans une catégorie comme les stéréotypes, et même comme certaines études universitaires voudraient nous le faire croire” ajoute-t-elle.
Les auteurs sont arrivés à cette conclusion en ré-analysant les données de 13 études qui avaient montré des différences significatives, et souvent larges, entre les sexes. Les chercheurs ont aussi collecté leurs propres données sur toute une gamme d’indicateurs psychologiques. Ils ont revisité des enquêtes sur l’interdépendance relationnelle, les rapports intimes et la sexualité. Ils ont rouvert des études sur les traits de personnalité (les fameux “big five”) : l’extraversion, l’ouverture à l’expérience, le caractère consciencieux, le caractère agréable et la stabilité émotionnelle. Ils ont même passé à la moulinette les nombres sur des caractéristiques très chargées et qui semblaient bien définir les sexes comme la féminité et la masculinité. En utilisant trois procédures statistiques séparées, les auteurs ont cherché des preuves d’attributs qui pourraient sans doute aucun catégoriser une personne comme étant masculine ou féminine.
Et leur cueillette s’est avérée bien mince. Statistiquement, les hommes et les femmes tombent définitivement dans des groupes distincts, ou catégories, qui reposent sur des mesures anthropométriques comme la hauteur, la largeur des épaules, la circonférence des bras et le ratio de la taille sur les hanches. Et le sexe peut être un indicateur fiable pour ce qui est de l’intérêt porté à des activités très stéréotypées, comme faire du scrapbooking et le maquillage (pour les femmes), et la boxe et la pornographie (pour les hommes).
Mais pour la grande majorité des traits psychologiques, comprenant la peur de la réussite, les critères de sélection des partenaires et l’empathie, les hommes et les femmes sont définitivement sur la même planète. Au lieu d’avoir des scores qui se regroupent à l’une ou l’autre extrémité du spectre, comme ils le font avec la taille ou la force physique, les indicateurs psychologiques se placent le long d’une progression linéaire pour les deux sexes. Avec très peu d’exceptions, la variabilité à l’intérieur de chaque sexe et le chevauchement entre les sexes est si étendu, que les auteurs concluent qu’il serait imprécis d’utiliser des types de personnalité, des attitudes et des indicateurs psychologiques comme véhicules pour trier les hommes et les femmes.
“Ainsi, contrairement aux assertions de la psychologie populaire et de titres racoleurs comme ’les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus’, il est faux de dire que les hommes et les femmes pensent à leurs relations de façon qualitativement différentes” écrivent les auteurs. “Même des chercheurs de premier plan sur les genres et les stéréotypes peuvent tomber dans le piège”.
Que les hommes et les femmes aient une approche identique de leur monde social n’implique pas qu’il n’y ait pas de différences dans les scores moyens entre les sexes. Les différences moyennes existent, notent les auteurs. “La façon traditionnelle et la plus facile de penser aux différences de genre est en termes de différence moyenne” écrivent-ils. Mais de telles différences ne sont pas conséquentes ni assez importantes pour diagnostiquer avec précision l’appartenance à un groupe, et ne devraient pas être mal interprétées comme des preuves établissant des catégories consistantes et inflexibles sur les sexes, concluent-ils.
“Ceux qui ont des scores de façon stéréotypée sur une mesure n’en ont pas nécessairement une autre” disent les auteurs. Un homme qui est classé en haut sur l’agressivité, pourrait aussi être faible en maths par exemple. Les auteurs de mettre en garde : “la possession de caractéristiques associées au sexe n’est pas aussi simple que ’ceci ou cela’”.
Bien que l’accentuation des différences entre les sexes touche certainement une corde sensible chez de nombreux couples, de tels cadres simplistes peuvent être dangereux dans le contexte relationnel. Quand quelque-chose ne va pas entre deux partenaires, les gens blâment souvent immédiatement le genre de l’autre partenaire. Le fait d’avoir des stéréotypes sur les genres empêche les gens de considérer leur partenaire comme un individu. Ils pourraient aussi décourager les individus de poursuivre certains types d’objectifs. Quand des tendances psychologiques et intellectuelles sont perçues comme définissant des caractéristiques, elles sont plus susceptibles d’être considérées comme étant innées et immuables. Alors pourquoi s’embêter à essayer de changer ?
La meilleure preuve que nous ayons montrant que cette division des sexes Mars/Vénus n’est pas la véritable source de friction dans les relations est que les couples d’homosexuels et de lesbiennes vivent autant de problèmes que les couples hétérosexuels. Ce n’est donc pas tant une histoire de genre, mais de caractère humain qui cause ces difficultés.
Les résultats supportent “l’hypothèse des similitudes des genres” proposée par le psychologue de l’Université du Wisconsin Janet Hyde. En utilisant différentes méthodes, Hyde a remis en cause les déclarations sur les différences entre les genres par des méta-analyses d’études de psychologie, ce qui démontre que les hommes et les femmes sont similaires sur la plupart, sinon toutes, les variables psychologiques.
Les auteurs reconnaissant que leur étude repose largement sur des questionnaires et pourrait ne pas saisir pleinement les actions de la vraie vie. “Les méthodes qui mesurent plus catégoriquement les comportements interpersonnels (combien de cartes d’anniversaires ont-ils/elles envoyées cette année, combien de fois appellent-ils un(e) ami(e) juste pour savoir comment il/elle va, etc.) pourraient révéler plus clairement une catégorie de genre” écrivent-ils.
Mais de la même façon que les rôles des sexes sont libéralisés, les auteurs spéculent sur le fait que de nouvelles études pourraient même montrer moins de divergences entre les hommes et les femmes en France ou aux USA. Le contraire pourrait être vrai dans des cultures qui sont beaucoup plus normatives sur les rôles des hommes et des femmes, comme en Arabie Saoudite.
Féminin Masculin : Mythes et idéologies. Collectif.
Cerveau, Sexe & Pouvoir. Catherine Vidal, Dorothée Benoit Browaeys.
Références :
[1] Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus. John Gray.
[2] Men and women are from Earth : Examining the latent structure of gender. Carothers, Bobbi ; Reis, Harry. Journal of Personality and Social Psychology, Vol 104(2), 2013, 385-407.