Depuis l’herbe cornée de chèvre (épimède) au ginseng et au maca, les compléments alimentaires vendus sans ordonnance pour améliorer la vigueur sexuelle contiennent de nombreux ingrédients “naturels” différents. Des chercheurs du Centre Médical Wake Forest ont passé en revue les preuves scientifiques de la plupart des ingrédients les plus souvent utilisés dans ces suppléments afin de déterminer s’ils sont vraiment efficaces, et surtout s’ils sont sans danger. Ils ont publié l’objet de leurs recherches dans le Journal of Sexual Medicine [1] .

“Alors que certains suppléments naturels passés en revue semblaient prometteurs pour ce qui est d’améliorer un léger trouble sexuel, ils manquent tous de preuves solides sur les êtres humains pour confirmer,” dit le Dr Ryan Terlecki, auteur de l’étude et professeur d’urologie. “En outre, à cause des problèmes concernant le fait que certains produits ne sont pas purs ou faibles, nous ne les recommandons jamais à nos patients.”

Pour certains produits, il n’existe aucune preuve scientifique qui confirme les affirmations sur le fait qu’ils peuvent avoir un effet positif sur l’érection, la libido ou la performance sexuelle. Et peut-être encore plus troublant, certains produits qui sont présentés et vendus comme “naturels”, contiennent des traces d’inhibiteur de la phosphodiestérase 5 (PDE5Is), la même classe de médicament que ceux vendus sous prescription médicale comme le Viagra®, utilisés pour traiter les problèmes d’érection. Une étude a révélé que 81 % des échantillons de produits vendus sans ordonnance, testés et vendus aux États-Unis et en Asie, contenaient du PDE5Is.

“Les PDE5Is ne peuvent pas être vendus légalement sans prescription,” explique Terlecki. “Les hommes qui prennent ces médicaments sans supervision médicale courent le risque de les prendre à mauvais escient. Les patients avec une maladie de cœur, par exemple, et qui prennent des nitrates, comme de la nitroglycérine, ne devraient pas prendre de PDE5Is car cela peut causer une chute dangereuse de leur tension artérielle. De même que les hommes souffrant de problèmes au foie ou de maladie rénale qui exigent une dialyse, doivent éviter ces produits.”

En outre, les chercheurs ajoutent que les hommes qui souffrent d’hypertrophie de la prostate et qui prennent des médicaments comme Flomax® (tamsulosine), terazosine ou doxazosine doivent savoir comment doser les deux médicaments pour éviter d’avoir des vertiges et de subir des chutes pouvant causer des fractures.

On estime qu’entre 40 et 70 % des hommes vivent une forme de trouble sexuel pendant leur vie. À cause des problèmes de couts de prescription médicale, ou de la gêne que représente le fait de parler de sexe avec son médecin, de nombreux hommes se tournent vers les produits alternatifs, sans prescription. Selon une enquête, 50 % des sondés ont rapporté utiliser des suppléments pour toute une variété de maladies.

“Il y a une collection vertigineuse de formules disponibles, et les effets de ces nutraceutiques sont souvent confus pour les patients mais aussi pour les professionnels de la santé,” dit le chercheur. “Nous avons analysé les preuves actuellement disponibles pour chacun des ingrédients présents dans les produits de santé les plus vendus aux hommes. Les patients payent plus de 4 euros par jour pour prendre ces produits sans qu’ils aient de preuves de leur efficacité.” Les produits inclus dans leur analyse allaient de 0,75 euros à 5,25 euros par jour.

En plus de l’absence de preuve scientifique pour certains produits, Terlecki a noté que leur pureté était tout aussi problématique. Comme les compléments alimentaires entrent dans la catégorie des aliments, et non des médicaments, ce sont les fabricants eux-mêmes qui sont responsables de leur sécurité, de leur pureté et efficacité. Quatre détaillants importants ont d’ailleurs été la cible de la justice aux États-Unis parce qu’ils vendaient des suppléments trompeurs.

Les auteurs de l’étude ont résumé certains des résultats de l’importante littérature sur les ingrédients présents dans les produits les plus vendus :

 La DHEA semble relativement sûre car les données n’indiquent pas d’impact significatif sur les niveaux des hormones. Les données sont cependant trop faibles pour suggérer un bénéfice.
– Le fenugrec se retrouve dans environ un tiers des suppléments les plus vendus pour les hommes. Une seule étude a noté un bénéfice en termes d’amélioration de l’excitation sexuelle et de l’orgasme, tout comme pour la force musculaire, l’énergie et le bien-être. Cette étude n’a pas rapporté d’effets secondaires, et d’autres études ont aussi montré qu’il était sans danger.

 Le Ginkgo Biloba est vendu comme ingrédient pour traiter de nombreuses maladies. Il n’y a pas de données convaincantes pour soutenir son utilisation par les hommes qui souffrent de troubles érectiles. Il peut causer des migraines, des crises d’épilepsies et des saignements importants, notamment chez les gens qui prennent du Coumadin.

 Le Ginseng est l’ingrédient le plus fréquent dans ces suppléments. Il peut causer des migraines, des brûlures d’estomac, une constipation, des rougeurs, des insomnies et faire baisser le taux de sucre dans le sang.

 L’herbe cornée de chèvre est généralement sans danger avec quelques rares cas de toxicité (tachycardie et hypomanie). Il n’y aucune preuve de son efficacité sur le fonctionnement sexuel chez les êtres humains.

 La L-arginine est l’acide aminé le plus fréquemment rencontré dans les suppléments pour la vigueur sexuelle chez les hommes, dans environ un tiers des produits les plus vendus. En théorie il a le potentiel d’améliorer le fonctionnement érectile chez certains patients et semble relativement sûr. Il a cependant été associé à une chute de la tension artérielle, mais sans modification importante du rythme cardiaque.

 Le Maca est la plante la plus fréquente dans ce type de suppléments. En recherche animale, l’utilisation du maca a été associée à une augmentation du comportement sexuel. Les cas de toxicité sont rares, comme une augmentation légère des enzymes du foie et de la tension.

 Le tribulus : il n’y a pas de preuve de bénéfices pour les humains. Deux comptes rendus de toxicité du foie et rénal chez des jeunes hommes qui avaient pris des fortes doses.

 La Yohimbine a montré être prometteuse pour améliorer le fonctionnement sexuel chez les hommes dans quelques études, mais qui ne sont pas confirmées. Ce médicament est utilisé depuis longtemps. Il peut causer de l’hypertension, des migraines, de l’agitation, de l’insomnie et de la transpiration.

 Le zinc semble être sans danger, mais il n’y a pas non plus de preuves de bénéfices chez les individus normaux, et la carence en zinc est très rare dans les pays développés.

Références :

[1] Tao Cui, Robert C. Kovell, David C. Brooks, Ryan P. Terlecki. A Urologist’s Guide to Ingredients Found in Top-Selling Nutraceuticals for Men’s Sexual Health. The Journal of Sexual Medicine, 2015 ; 12 (11) : 2105.

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