Une étude montre qu’un départ légèrement plus rapide peut payer.

Il y a un débat de longue date sur le fait de savoir s’il vaut mieux toujours garder le même rythme quand on fait une longue course (i.e. de plus de cinq minutes). Physiologiquement, cela a du sens, mais quand on regarde les modèles de rythme des records actuels [1], ils tendent presque universellement à former un U inversé : avec un départ légèrement accéléré, puis un rythme stable au milieu pour de nouveau accélérer à la fin.

Une étude publiée dans l’European Journal of Applied Physiology [2] a eu une approche intéressante de la question du rythme à tenir pendant une course. Les auteurs de cette étude ont sélectionné 15 cyclistes bien entrainés pour leur faire réaliser à chacun une série de courses de 20 kilomètres. En premier lieu, ils devaient choisir le rythme qu’ils voulaient alors que l’objectif était de compléter la distance le plus rapidement possible (essai libre). Puis, ils ont fait deux courses d’essai au même rythme :

 dans le premier essai au même rythme, la puissance des vélos stationnaires était établie à la moyenne de la puissance du rythme qu’ils avaient maintenue pendant leur premier essai. L’objectif était simplement qu’ils aillent aussi loin qu’ils pouvaient. S’ils faisaient plus de 20 kilomètres, cela voulait dire que le rythme constant était plus efficace ; s’ils faisaient moins de 20 km, cela suggérait que leur stratégie de la première course était meilleure.

 le second essai à rythme constant était légèrement différent du précédent en ceci que la puissance des vélos était libre de varier, ainsi devaient-ils solliciter davantage d’effort mental pour maintenir leur puissance au rythme visé. Cela servait de vérification pour s’assurer que les résultats de l’autre stratégie à rythme constant n’étaient pas un coup du hasard.

Les résultats ? Neuf des cyclistes ont abandonné avant d’arriver à 20 km (ils ont abandonné entre 10,3 et 15,3 km), tandis que six ont passé les 20 km (ils ont fait entre 20 km et 27,4 km). Le plus intéressant : les chercheurs ont analysé les performances du rythme du groupe qui n’a pas terminé (ligne continue) contre le groupe qui a parcouru les 20 km (ligne pointillée) :


Ce qui saute aux yeux est que lors de son essai libre, le groupe qui n’a pas achevé la seconde course jusqu’aux 20 km requis a commencé plus rapidement que le rythme qu’ils ont ensuite maintenu, ils ont ensuite graduellement ralenti au milieu puis ont terminé à fond, ressemblant en cela au modèle du record mondial. Ceci a été une stratégie payante puisqu’ils ont pédalé si vite qu’ils n’ont pas été en mesure de reproduire la performance par la suite, quand ils ont essayé de nouveau à un rythme régulier.

D’un autre côté, l’autre groupe a commencé plus calmement, est resté relativement régulier au milieu, puis a accéléré. Ceci n’a pas été une approche optimale, parce qu’ils ont été en mesure de battre cette performance quand ils ont essayé au rythme constant.

Quelle leçon peut-on en tirer ? Il n’y a pas de doutes que maintenir un rythme régulier est une bonne approche, sinon la meilleure. Mais des changements subtils, comme de démarrer seulement 1% ou 2% plus rapidement pendant les 6 premiers kilomètres, semblent se traduire en de meilleures performances. Pour l’expliquer, les chercheurs font remarquer que la fatigue périphérique (i.e. des muscles) domine dans la première moitié des séances d’exercice, alors que la fatigue centrale (i.e. du cerveau) domine dans la seconde moitié. Comme les muscles deviennent fatigués vers le milieu de la course, il est peut-être plus efficace de s’autoriser une petite décélération que de dire au cerveau de commencer à recruter plus de muscle, ce qui fatiguerait prématurément.

Ce débat n’est pas clos, et ce n’est pas une raison pour sprinter au début d’une course. Il y a un corps de littérature scientifique raisonnable qui montre que les athlètes de haut niveau restent proches d’un rythme régulier comparés aux athlètes moins expérimentés. C’est seulement lorsqu’on est très proche du rythme constant que ces subtilités peuvent entrer en jeu.

Références :

[1] Int J Sports Physiol Perform. 2006 Sep ;1(3):233-45. An analysis of pacing strategies during men’s world-record performances in track athletics. Tucker R, Lambert MI, Noakes TD.

[2] Eur J Appl Physiol. 2013 Dec ;113(12):3001-10. doi : 10.1007/s00421-013-2734-4. Oct. 2013. The effect of an even-pacing strategy on exercise tolerance in well-trained cyclists. Thomas K, Stone M, St Clair Gibson A, Thompson K, Ansley L.

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