La plupart d’entre nous en manquons, mais il n’est pas évident que cela améliore la performance athlétique.

Si, comme de nombreuses personnes, vous n’avez pas assez de vitamine D issue de votre alimentation ou du soleil, alors vous pourriez compenser par la prise de suppléments de vitamine D de plusieurs façons. Mais est-ce que cela fera de vous un meilleur athlète ? C’est une affirmation qui a été fréquemment répétée ces dernières années, mais généralement accompagnée d’éléments de preuves pour le moins fragiles, voire inexistantes. C’est pourquoi une étude de chercheurs de l’Université John Moores de Liverpool, publiée dans le Journal of Sports Sciences [1], avec une approche plus rigoureuse pour tester l’idée selon laquelle des niveaux “optimaux” de vitamines pourraient augmenter la performance athlétique chez les sportifs Occidentaux (contrairement à des enfants atteints de rachitisme), avait été chaudement accueillie.

La première partie de l’étude avait un objectif simple : déterminer si les athlètes anglais, testés pendant les mois d’hiver, avaient des niveaux en vitamine D plus bas que des non athlètes qui servaient de contrôle. Ils ont testé des joueurs de rugby, de football et des jockeys (qui faisaient à la fois des courses de chevaux et des parcours de sauts, car ces jockeys sont des sportifs qui limitent souvent leur alimentation pour ne pas prendre trop de poids, et sont donc souvent susceptibles d’être carencés), à côté d’un groupe de non sportifs en bonne santé. La taille du groupe allait de 11 footballeurs à 18 jockeys, et 30 non sportifs. Voici les données récoltées :


Il n’y a rien de remarquable à constater. Tous les groupes sont plutôt identiques, bien qu’on puisse dire que les footballeurs semblent un petit peu plus élevés que le groupe contrôle, et que les jockeys sont un petit peu plus bas. Les tailles des groupes sont trop petites pour pouvoir tirer des conclusions définitives. La question est : est-ce que ces niveaux de vitamine D sont corrects ? Il s’agit évidemment d’une question très compliquée. Les concentrations en vitamine D dans le sang, de l’Institut de Médecine Américain, sont souvent classées comme suit (en nmol/L) :

 <12 (5 µg/l) = très carencé

 12-30 (5 µg/l – 12 µg/l) = carencé

 30-50 (12 µg/l – 19 µg/l) = incorrect

 >= 50 (19 µg/l) = correct

Mais ces catégories font l’objet de débats. Au Royaume-Uni, tout ce qui est au-dessus de 25 est officiellement bon, d’un autre côté d’autres affirment que 100-250 (38 µg/l – 96 µg/l) devraient être considérés comme des niveaux “normaux”. D’autre part, une étude datant de l’été dernier [2] suggère que des niveaux situés au-dessus de 140 étaient associés à un risque plus élevé de mortalité. En d’autres termes, personne ne sait vraiment à ce stade, mais 50 semble être une cible minimum raisonnable. Et plus de la moitié des athlètes et du groupe contrôle de cette étude se situait au-dessous de ce niveau.

La question essentielle est ensuite : est-ce que le fait d’accroitre les niveaux au-delà de 50 fera de vous un meilleur athlète ? Pour tester cette hypothèse, les chercheurs ont demandé aux joueurs de football de l’étude originale de participer à une étude en double-aveugle, contre placébo, dans laquelle ils devaient prendre des suppléments de vitamine D. Dix sportifs ont pris soit une pilule de 5000 UI (0.000125 gr) de vitamine D chaque jour, soit un placébo, pendant huit semaines (les cachets qu’on trouve dans le commerce contiennent souvent 1000 UI (0.000025 gr) ). Cela a augmenté significativement les niveaux de vitamine D dans le sang, à tel point que trois des cinq athlètes du groupe qui avalaient des suppléments avaient des niveaux au-delà de 100 à la fin. Résultats : “il y avait une amélioration significative du temps du sprint sur 10 mètre et du saut en hauteur dans le groupe à la vitamine D, alors que le groupe placebo n’a pas affiché d’amélioration.”

La première réaction qui vient à l’esprit est que tout cela semble encourageant. Mais quand on y regarde d’un peu plus près, la situation n’est pas si tranchée. L’étude a effectivement évalué six mesures de performance différentes : le sprint sur 10 m, le sprint sur 30 m, le saut en hauteur, la presse à cuisse, les squats et quelque-chose appelé le Test d’Agilité Illinois, mais n’a trouvé des améliorations que dans deux d’entre eux. C’est donc qu’il faut être prudent dans les conclusions, car si l’on regarde suffisamment de variables, on trouvera toujours quelque-chose qui s’améliore. Et pourquoi, par exemple, le sprint sur 10 m s’est amélioré et pas le sprint sur 30 m ? Globalement, les résultats laissent perplexes, mais avec seulement cinq sujets dans chaque groupe, ils ne peuvent être considérés que comme très préliminaires.

Mais ce groupe de recherche a publié une autre étude dans le British Journal of Sports Medicine [3], avec une méthodologie quelque peu différente. Cette fois-ci, les sujets étaient 30 athlètes de niveau universitaire (rugby, football et autres), et le protocole de prise des suppléments était soit rien, soit 20000 UI par semaine, soit 40000 UI par semaine (comparés aux 7×5000=35000 UI par semaine de l’étude précédente). La durée de l’étude était de 12 semaines, et les tests de performance étaient les mêmes : presse à cuisses, leg press, saut en hauteur et sprint sur 20 mètres.

Une fois encore, la plupart des sportifs, 57% d’entre eux, a commencé l’étude sous les 50 nmol/L, niveau dit “incorrect”. En fait, les niveaux se sont principalement stabilisés après ça (et ont même diminué entre 6 et 12 semaines dans le groupe qui prenait le plus de suppléments de vitamine D). A la fin, il n’y avait aucune différence entre les groupes à 20000 UI et 40000 UI.

Et en ce qui concerne les tests de performance ? Aucune différence entre les groupes, pas même une tendance “non significative” d’amélioration, malgré l’importante augmentation des niveaux de vitamine D. Alors qu’est-ce que cela veut dire ? D’abord que les résultats provenant d’études faites sur des échantillons trop faibles d’individus ne sont pas fiables (comme la première étude ci-dessus). Si vous êtes un vendeur de vitamine D, vous pourriez croire (ou vouloir) qu’ils ont besoin d’être au-delà de 100 (la moyenne des groupes qui prenaient des suppléments était à 85-90 environ à la fin de l’étude). Ou peut-être qu’il y a quelque-chose chez ces athlètes qui les empêchait de s’améliorer ? Ou peut-être que la vitamine D, même si elle semble être importante pour la santé à long terme, et même s’il y a des preuves biologiques que cette vitamine joue un rôle dans le fonctionnement des muscles, n’est tout simplement pas un facteur limitant de la performance athlétique dans le vrai monde aux niveaux trouvés chez les athlètes Occidentaux…

Références :

[1] Assessment of vitamin D concentration in non-supplemented professional athletes and healthy adults during the winter months in the UK : implications for skeletal muscle function. Close GL, Russell J, Cobley JN, Owens DJ, Wilson G, Gregson W, Fraser WD, Morton JP . J Sports Sci. 2013 Feb ;31(4):344-53. doi : 10.1080/02640414.2012.733822.

[2] A reverse J-shaped association of all-cause mortality with serum 25-hydroxyvitamin D in general practice : the CopD study. Durup D, Jørgensen HL, Christensen J, Schwarz P, Heegaard AM, Lind B . J Clin Endocrinol Metab. 2012 Aug ;97(8):2644-52. doi : 10.1210/jc.2012-1176.

[3] The effects of vitamin D3 supplementation on serum total 25[OH]D concentration and physical performance : a randomised dose-response study. Close GL, Leckey J, Patterson M, Bradley W, Owens DJ, Fraser WD, Morton JP. Br J Sports Med., 2013 Feb 14.

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