L’eau fait l’objet de beaucoup de mythes médicaux et de produits attrape-nigauds vendus dans le commerce. Ceci vient peut-être de l’auréole de santé qui flotte au-dessus de l’eau. L’eau serait l’essence même de la pureté, l’élixir de la vie. Peut-être y a-t-il même une implication psycho-évolutionniste à l’eau. L’idée de boire de l’eau contaminée ou sale semble être quelque chose de particulièrement répugnant, tandis que l’eau pure est la chose la plus formidable au monde.
Sans doute est-ce pour cela qu’il existe tant d’arnaques relatives à cette “eau magique”. On peut trouver de “l’eau structurée”, de “l’eau dynamisée”, de “l’eau vivifiée”, “magnétisée” ou encore “ionisée”, etc. L’homéopathie est tout ce qu’il y a de plus magique grâce au concept de la mémoire de l’eau. Les vendeurs d’eaux minérales nous rebattent les oreilles avec les pouvoirs miraculeux de leur eau en bouteille pour maigrir ou péter la forme !
Il y a également la croyance persistante selon laquelle le simple fait de boire de l’eau apporte des bénéfices incalculables à la santé. Tout le monde a déjà entendu circuler le mythe selon lequel il faut impérativement boire 1,5 ou 2 litres d’eau par jour pour rester en bonne santé. Cette recommandation de 2 litres ne repose pourtant sur aucune preuve scientifique.
Les besoins en eau dépendent surtout de la taille de votre corps, du niveau d’activité, de l’humidité et de la température ambiantes. Ils dépendront aussi du type d’aliment que l’on consomme. Nous tirons environ 20 % de notre consommation d’eau de notre alimentation, mais cela dépend aussi du type d’aliments que l’on consomme.
Heureusement, nous n’avons pas besoin de faire de calculs ni de prendre des mesures complexes pour déterminer et suivre notre consommation d’eau. Notre corps le fait automatiquement pour nous, et il nous informe dès que nous avons besoin de boire de l’eau grâce à la soif. La soif est la principale méthode de gestion des liquides. Au bout de la chaine, nos reins vont ajuster la quantité d’eau que nous avons besoin de conserver ou d’éliminer par le biais de la micturition (le terme savant pour désigner le fait d’uriner) pour ajuster au mieux notre équilibre en fluides.
Ainsi, dans la plupart des situations, le simple fait d’écouter sa soif est une stratégie suffisante pour avoir assez d’eau. Cependant, dans des situations extrêmes, la perte d’eau peut être rapide et la déshydratation peut survenir avant que la soif ne la corrige. Dans ces situations, il est sensé de penser à s’hydrater, et de s’assurer que nous ayons accès à la boisson. Ces situations comprennent par exemple le fait d’être en haute altitude où l’air est sec et où la perte d’eau via la respiration augmente significativement. Mais aussi dans des environnements chauds ou secs, ou pendant une activité physique qui est susceptible de produire une grande quantité de transpiration et une augmentation de la respiration.
Lorsqu’un problème de perte d’eau survient à cause d’une forte transpiration, comme quand on courre un marathon, un autre problème se pose : faut-il mieux boire de l’eau pure ou une boisson sportive qui contient des électrolytes ? Il y a d’autres situations dans lesquelles ceci constitue un problème important, comme le fait de se réhydrater après des vomissements, ou pour quelqu’un qui est déshydraté à cause de nausées prolongées et d’une diminution de la consommation d’aliments et de liquides.
Dans de tels cas, il vaut mieux boire quelque chose avec des électrolytes et peut-être aussi des calories. Lorsqu’on transpire et vomit, on perd de l’eau et des électrolytes, et si l’on s’hydrate avec de l’eau pure, les niveaux d’électrolytes peuvent chuter. Même si l’on s’hydrate avec une boisson aux électrolytes, et que l’on boit un grand volume d’eau (comme pendant un marathon) alors on peut encore diluer les électrolytes.
Les éléments de preuve montrent que les coureurs de marathon, par exemple, ont besoin d’environ 450 mg de sodium par heure [1] pour remplacer ce qui est perdu avec la transpiration et pour maintenir l’homéostasie électrolyte.
Mais il y a aussi des preuves montrant que nous pouvons aussi abuser de l’hydratation [2]. Les coureurs de marathon qui boivent autant d’eau qu’ils le peuvent, même des boissons aux électrolytes, peuvent être atteints d’hyponatrémie (avec trop peu de sodium dans le sang) ce qui va dégrader la performance voire même poser un risque pour leur santé. La recommandation actuelle est de boire suffisamment pour maintenir l’homéostasie, mais pas assez pour garder le poids du corps pendant une activité physique prolongée.
Parfois les gens boivent trop d’eau parce qu’ils pensent qu’il le faut, ou parce qu’ils ont un désir pathologique de faire ainsi (qu’on appelle “polydipsie primaire”). Dans de tels cas, il peut en résulter des niveaux dangereux d’hyponatrémie, ce qui cause des delirium et même des crises d’épilepsie.
Pire encore, le fait de boire de gros volumes d’eau est parfois recommandé par des gourous praticiens de quelque pseudo thérapie à la mode. L’eau est alors présentée comme une panacée contre tous les maux. Pourtant, l’eau est comme l’air, indispensable à la vie mais il ne faut pas lui prêter des vertus magiques.
Comme c’est souvent le cas, un conseil simple est souvent plus pratique (voire même plus précis) qu’un conseil complexe qui n’est pas démontré par la science. Pour ce qui concerne la consommation d’eau, écouter sa soif est le seul conseil qu’il est besoin de connaitre dans la plupart des situations. Comme déjà dit, lorsqu’une importante perte en eau et en sel est anticipée, il faut prendre des précautions spéciales pour rester bien hydraté. Dans les situations athlétiques extrêmes, comme courir un marathon, une attention particulière doit être portée afin d’optimiser la consommation d’eau et d’électrolytes dans le temps.
Il existe bien entendu des conditions médicales spéciales, comme les insuffisances cardiaques et les maladies rénales. Si une telle condition médicale affecte les besoins en fluides et en électrolytes, alors il faut prendre conseil auprès d’un médecin compétent. Les règles générales peuvent ne pas s’appliquer dans ce cas.
L’eau est vitale pour la vie, et l’accès à l’eau potable est un problème pour une bonne partie du monde. Mais il n’existe pas d’eau magique ni de magie de l’eau, et comme tout autre chose, il ne faut pas en faire trop. Ainsi, ne vous forcez pas à boire plus d’eau que votre corps en a besoin, et plus que ce qu’il réclame.
Références :
[1] Sports Med. 2007 ;37(4-5):358-60. The role of salt and glucose replacement drinks in the marathon. Murray B.
[2] Sports Med. 2007 ;37(4-5):463-6. Hydration in the marathon : using thirst to gauge safe fluid replacement. Noakes TD.