La surface du ballon lisse associée à la technique de jeu constitue un facteur décisif.

Cela arrive tous les quatre ans : la Coupe du Monde de Football commence et les meilleurs joueurs vont aligner les penaltys, viser et passer au-dessus des buts.

Les joueurs essayent tous d’envoyer le ballon dans un coin tout en haut des buts, en passant souvent au-dessus d’un mur de joueurs défensifs et du gardien de buts en extension. Pourtant, quand de tels tirs sont ratés pendant la Coupe du Monde, le bouc-émissaire est tout trouvé. Les joueurs, les supporters et les experts vont déclarer à l’unisson que le nouveau ballon officiel, introduit tous les quatre ans, en est la cause !

Beaucoup de gens disant cela pourraient chercher des excuses à leurs joueurs. Pourtant, un groupe de chercheurs pense que les subtiles variations dans le mode de fabrication des ballons de football peuvent modifier la façon dont ils volent. Plus précisément, des chercheurs croient de plus en plus qu’une variable fait vraiment la différence entre les ballons de foot : leur surface. Il est plus difficile de contrôler un ballon avec une surface lisse, comme le très discuté “Jabulani” de la Coupe du Monde de 2010. Le nouveau ballon utilisé cette année au Brésil, le “Brazuca”, a des coutures qui sont 50 % plus longues, un des facteurs qui rend la balle moins lisse et apparemment plus prévisible quand elle est en l’air.

“Les détails des flux d’air tout autour du ballon sont très compliqués, et ils dépendent en particulier de la rugosité du ballon” dit John Bush, professeur de mathématiques appliquées au MIT, et auteur d’une étude à propos de l’aérodynamique des ballons de football [1]. Bush explique que deux ballons identiques frappés de la même façon par le même joueur peuvent réellement tourner dans des directions opposées, cela dépendant de leur surface.

Magnus rencontre Messi

Il se pourrait que la question à propos de la façon dont les ballons qui tournent dessinent une courbe dans l’air ait quelque-chose à voir avec l’effet Magnus. Ce phénomène a été décrit pour la première fois par Isaac Newton qui l’avait remarqué au tennis, les lift faisaient descendre la balle, tandis que les coupés faisaient s’élever la balle de sa trajectoire. Une balle courbe en baseball est un autre exemple venant du sport : un lanceur envoie la balle avec un lift ou une rotation de côté, et la balle réalise une courbe dans la direction de la rotation.

Au football, il se passe généralement la même chose avec les tirs au but ou le penalty, les corners, les tirs depuis les ailes et les autres types de passes ou tirs : le joueur qui frappe le ballon applique une rotation pendant le contact qui fait courber la trajectoire de la balle. Pour un joueur droitier, la technique “naturelle” est de brosser la balle de l’extérieur, ce qui créé un arc de la droite vers la gauche ; le tir “naturel” d’un joueur gaucher tourbillonnera de la gauche vers la droite.

Dans l’animation ci-dessus, un joueur frappe deux ballons : un lisse et l’autre avec une bande élastique placée tout autour de sa circonférence. Les deux ballons sont frappés de l’intérieur du pied pour produire une rotation en sens inverse des aiguilles d’une montre. pourtant, le ballon lisse va dans la direction opposée du ballon avec l’élastique. La présence de ce dernier modifie la couche limite à la surface de la balle qui passe de “laminaire” à “turbulente”. C’est pourquoi tous les ballons de football ont une partie de leur surface rugueuse ; sinon, ils tendraient à aller dans la direction opposée à celle de la rotation initiale de la balle.

Cela semble pour l’instant intuitif : les fans de football vont probablement conjurer l’image de stars comme Lionel Messi, Andrea Pirlo ou Marta, une star du football féminin, qui font cela. Mais ce genre de tir – que les Brésiliens appellent la “chute de curva” – dépend de la rugosité de la balle. Sans cela, ce classique de l’arsenal du footballeur disparait, comme Bush le fait remarquer dans son article [2]. “Le fait est que l’effet Magnus peut modifier le signal” dit Bush. “Les gens ne savent généralement pas évaluer cela.” Prenez un ballon complètement lisse, la direction de la courbe peut être inversée : le même mouvement de frappe ne produira pas un tir ni une passe qui se courbe dans une direction de droite à gauche, mais de gauche à droite.

Pourquoi cela ? Bush explique que c’est dû à la manière dont la surface du ballon créé le mouvement dans la “couche limite” située entre la balle qui tourne et l’air. Plus la balle est rugueuse, et plus il est facile de créer la version théorique de l’effet Magnus, avec un signal positif : la direction de la courbe du ballon est la direction attendue.

“La couche limite peut être laminaire, qui est un écoulement calme, ou turbulent, dans ce cas vous avez des remous” dit Bush. “La couche limite passe de laminaire à turbulent en différents points selon la rapidité de rotation de la balle. La transition est influencée par la rugosité de la surface, les points de couture du ballon. Si vous modifiez le modelage des plaques, les points de transition se déplacent, et la distribution de la pression change.” L’effet Magnus peut alors avoir un signal “négatif”.

Si l’inversion de l’effet Magnus a largement échappé à toute détection, c’est parce que les ballons ne sont pas absolument lisses – mais qu’ils le deviennent avec les années. Alors que d’autres sports, comme le baseball ou le cricket, ont des règles strictes en matière de points de couture de leurs balles, le foot n’en a pas, et les avancées technologiques ont produit des ballons plus brillants, plus lisses, jusqu’à l’introduction du Brazuca.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là, car parfois les joueurs frappent la balle de telle façon qu’ils lui donnent une très faible rotation. Dans ce cas, la balle flotte au hasard d’un côté vers l’autre. Ce que les Brésiliens appellent le “pombo sem asa”, ou la “colombe sans ailes”.

Dans ce cas, explique Bush, “le mouvement singulier d’un tir qui flotte se produit parce les points de transition de la couche limite sont différents de chaque côté de la balle.” Comme le ballon n’a pas de rotation initiale, le mouvement de l’air environnant produit un effet sur le vol de la balle : un tel ballon bouge en réaction à la distribution de la pression qui est constamment changeante.

Références :

[1] If the ball is perfectly smooth, it bends the wrong way.

[2] J.W.M. Bush. The Aerodynamics of the beautiful game. Sports Physics, 2013.

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