Dans quelle mesure notre développement est-il affecté par la nature ou la culture, notre constitution génétique ou notre environnement ? Selon certains chercheurs, cela pourrait dépendre de notre lieu de vie.

Dans une étude publiée dans le journal Molecular Psychiatry [1], des chercheurs ont étudié les données provenant de 6700 familles associées à 45 caractéristiques infantiles, depuis le QI jusqu’à l’hyperactivité, en passant par la taille et le poids. Ils ont découvert que les contributions génétiques et environnementales à ces caractéristiques variaient géographiquement au Royaume-Uni. Ils ont publié l’objet de leur recherche sous forme de cartes nature/culture.

Notre développement, notre santé et notre comportement sont déterminés par des interactions complexes entre notre constitution génétique et l’environnement dans lequel nous vivons. Par exemple, nous pourrions porter les gènes qui augmentent notre risque de développer le diabète de type 2, mais si nous mangeons sainement et faisons suffisamment de sport, nous pourrions ne jamais développer la maladie. De même que quelqu’un pourrait porter les gènes qui réduisent son risque de développer un cancer du poumon, mais étant gros fumeur il pourrait développer la maladie.

L’étude anglaise sur les jumeaux Twins Early Development Study a suivi plus de 13000 paires de jumeaux, soit vrais jumeaux ou faux jumeaux, nés entre 1994 et 1996. Quand les jumeaux étaient âgés de 12 ans, les chercheurs ont réalisé une large enquête pour évaluer tout un ensemble d’aptitudes cognitives, caractéristiques comportementales (et autres), les environnements et les réussites scolaires de 6759 paires de jumeaux. Les chercheurs ont alors monté une analyse qui a révélé les points chauds génétiques et environnementaux anglais, ce qui n’avait encore jamais été fait.

“Nous avons utilisé l’idée selon laquelle il ne s’agit ni d’une question de nature ni de culture, tout y compris notre comportement, est un peu des deux” explique le Dr Oliver Davis. “Mais quand nous avons vu les cartes, la première chose qui nous a frappée était combien l’équilibre des gènes et de l’environnement pouvait varier d’une région à une autre.”

“Prenons un trait comme les problèmes de comportement à l’école. À partir de nos cartes, nous pouvons dire que dans la plupart du Royaume-Uni environ 60% des différences entre les gens sont expliquées par les gènes. Cependant, dans le Sud-est, les gènes ne sont pas si importants : ils expliquent moins de la moitié de la variation. Pour le comportement scolaire, Londres est un ’point chaud environnemental’.”

Les cartes donnent aux chercheurs une vision globale de la façon dont notre environnement interagit avec notre génome, sans se cantonner à des gènes ou des environnements particuliers. Cependant, les modèles leur ont donné des signaux importants sur les environnements à explorer dans le détail.

“Les cartes nature-culture nous aident à pointer des modèles dans des données complexes, et essayent de faire ressortir ce qui cause ces modèles” dit le Dr Davis. “Pour notre comportement en classe par exemple, nous avons réalisé qu’un élément qui varie le plus à Londres est le revenu par foyer. Quand nous comparons les cartes de l’inégalité des salaires à notre carte nature-culture pour ce qui est du comportement scolaire, nous trouvons que l’inégalité des revenus peut compter dans certains des modèles.”

“Bien entendu, c’est seulement un exemple. Il y a de nombreux environnements qui varient géographiquement au Royaume-Uni, depuis les environnements sociaux comme les soins de santé ou l’éducation à des environnements physiques comme l’altitude, le temps ou la pollution. Notre approche est de pister ces environnements auxquels on ne penserait pas au premier abord.”

Il pourrait être relativement facile d’expliquer les points chauds environnementaux, mais qu’en est-il des points génétiques qui apparaissent sur les cartes : est-ce que les gens ont des génomes qui varient plus dans ces régions ? Les chercheurs pensent que ce n’est pas le cas, plutôt, les points chauds génétiques sont des régions où l’environnement dévoile les effets de la variation génétique.

Par exemple, les chercheurs qui cherchent une variation génétique qui augmente le risque de rhume des foins pourraient étudier des populations de deux régions. Dans la première région, les gens vivent à proximité de champs de céréales pollinisés, tandis que la seconde région est à des kilomètres de ces champs. Dans cette seconde région, où personne n’est exposé au pollen, personne ne développe d’allergies au pollen ; ce qui fait que toute différence génétique entre les individus qui vivent dans cette région sera invisible.

D’un autre côté, dans la première région, où les gens vivent au milieu des champs de céréales, ils seront tous exposés au pollen, et les différences entre les individus qui ont une susceptibilité génétique au rhume des foins et ceux qui n’en ont pas seront exposées au grand jour. C’est ce qui fera de cette seconde région un point chaud génétique pour le rhume des foins.

“Le message que ces cartes affichent est que vos gènes ne sont pas votre destinée. Il y a beaucoup de choses qui peuvent affecter la façon dont votre génome humain particulier s’exprime lui-même, et l’une de ces choses est l’endroit où vous grandissez” conclut Davis.

Références :

[1] Visual analysis of geocoded twin data puts nature and nurture on the map. O S P Davis, C M A Haworth, C M Lewis & R Plomin, Molecular Psychiatry, doi:10.1038/mp.2012.68.

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