Au moins 30 % à 40 % des athlètes interrogés lors de deux événements sportifs ont reconnu utiliser des techniques de dopage interdits.
Une étude scientifique a découvert que le dopage est beaucoup plus fréquent dans le sport professionnel que ce que laissent entendre les tests sanguins ou d’urine des athlètes [1]. Cette étude a trouvé qu’au moins 30 % des athlètes lors des championnats du monde de 2011 de l’Association internationale des fédérations d’athlétisme (IAAF) et 45 % des athlètes des jeux Panarabes de 2011 affirment avoir pris des produits dopants ou utiliser des méthodes interdites. Seule une fraction de ces cas a été détectée par les tests biologiques : lors des Championnats du Monde, 0,5 % des tests biologiques ont affiché des résultats positifs ; mais 3,6 % lors des jeux Panarabes.
Les scientifiques ont utilisé une “méthode de questions aléatoires” pour interroger un total de 2167 participants aux Championnats du monde de Daegu (Corée du Sud) et aux Jeux Panarabes de Doha (Qatar), en leur demandant s’ils avaient pris des produits dopants ou utilisé d’autres méthodes prohibées de dopage avant les compétitions. Leur méthode d’investigation assurait l’anonymat des sondés et leur permettait de répondre le plus honnêtement du monde sans crainte de conséquences négatives sur leur carrière sportive.
“La méthode des réponses aléatoires est utilisée pour les sujets sensibles. Lors d’une interview en face-à-face, les sondés sont fortement poussés à donner des réponses socialement désirables, même si ces réponses sont fausses. L’anonymat assure leur protection, ce qui permet aux sondés de répondre honnêtement,” expliquent les chercheurs.
Dans leur étude, six intervieweurs, qui parlaient dix langues, ont assisté aux compétitions et ont personnellement demandé à 2320 athlètes de participer. Plus de 90 % ont accepté. Les athlètes ont répondu à deux questions sur leur téléphone portable – une question innocente sur leur date de naissance ou une question sensible pour savoir s’ils avaient utilisé des méthodes ou produits dopants ces 12 derniers mois. Les deux questions étaient posées au hasard. Ainsi, si un athlète répondait “oui”, les chercheurs ne pouvaient pas dire si cet athlète répondait “oui” à une question banale ou “oui” à une question sensible, ce qui garantissait l’anonymat du sportif.
Cependant, même si les chercheurs ne pouvaient pas déterminer à laquelle des deux questions chaque athlète répondait individuellement, ils pouvaient utiliser des méthodes statistiques pour estimer avec précision le pourcentage d’athlètes dans le groupe étudié qui avait répondu “oui” aux questions sur le dopage. Les chercheurs ont aussi pris en compte les différents scénarios qui pouvaient avoir causé des réponses incorrectes. Par exemple, les réponses les plus rapides n’étaient pas inclues car les participants pourraient ne pas avoir complètement lu le texte.
“Globalement, l’étude montre que les tests biologiques sanguins et d’urine sous-estiment largement la vraie fréquence du dopage,” disent les auteurs. “Comme nous l’avons écrit dans notre article, cela est probablement dû au fait que les athlètes ont trouvé différents moyens de fausser les tests.”
Les tests réalisés immédiatement avant et pendant une compétition trouvent des preuves de dopage dans 1 à 3 % des cas seulement en moyenne.
Cependant, les agents dopants ne sont souvent pas biologiquement détectables longtemps au moment du test s’ils sont pris bien avant. Des résultats quelque-peu meilleurs sont possibles avec le “passeport biologique”, qui traque les données médicales des athlètes et permet un taux de détection plus élevé d’environ 14 %. Le passeport utilise de la documentation sur le long terme qui peut mettre à jour des déviations pouvant être causées par l’abus de substances dopantes. Les agents dopants sont définis comme étant ceux listés par l’Agence mondiale antidopage (AMA) dans la liste des “substances et méthodes prohibés”.
Références :
[1] Rolf Ulrich, Harrison G. Pope, Léa Cléret, Andrea Petróczi, Tamás Nepusz, Jay Schaffer, Gen Kanayama, R. Dawn Comstock, Perikles Simon. Doping in Two Elite Athletics Competitions Assessed by Randomized-Response Surveys. Sports Medicine, 2017.